Au rédacteur en chef,

Depuis la mise en marché du sugammadex, plusieurs cas d’anaphylaxie au rocuronium ont été traités avec succès par le sugammadex.1-3 Nous décrivons après consentement, le cas d’une patiente qui a subi une réaction anaphylactique grave au rocuronium à l’induction de l’anesthésie et qui a bénéficié d’une administration de sugammadex en plus du traitement traditionnel.

Une patiente de 52 ans (77 kg pour 1,59 m), était programmée pour le traitement chirurgical d’une tumeur rectale par laparoscopie. On notait dans ses antécédents un cancer du sein droit opéré, une hystérectomie totale et une césarienne. Il n’avait pas de notion d’allergie. Une antibioprophylaxie à la céfazoline 2 g est administrée 30 min avant le début de l’anesthésie. L’induction de l’anesthésie se réalise par l’injection de propofol 200 mg et de sufentanil 20 μg. Après vérification d’une ventilation manuelle sans difficulté, une injection de rocuronium 50 mg est administrée. Deux minutes plus tard, on constate une tension artérielle systolique à 50 mmHg avec tachycardie à 150 battements·min−1, puis rapidement une tension artérielle imprenable au brassard avec un érythème généralisé, une désaturation, une baisse de la concentration télé-expiratoire de CO2 à 15 mmHg. Après intubation de la trachée avec ventilation manuelle en oxygène pur et un remplissage vasculaire (500 mL d’hydroxyéthylamidon et 500 mL Ringer lactate), une administration intraveineuse d’adrénaline en doses successives de 0,1 mg est débutée avec un relais à 0,5 mg/h en continu. Un bilan sanguin est prélevé en même temps. Vingt minutes après le début de la réanimation et malgré des doses supplémentaires d’adrénaline (6 mg au total) et un remplissage (30 mL·kg−1), la tension artérielle reste à 70 mmHg avec apparition d’une bradycardie à 35 battements·min−1 et de quelques troubles de rythme. On décide alors d’injecter du sugammadex 1000 mg dans l’hypothèse d’un choc anaphylactique dû au rocuronium, en espérant un bénéfice dans cette situation menaçant le pronostic vital. Cinq minutes plus tard, on note un pouls carotidien et radial, une restauration hémodynamique, ainsi qu’une recoloration cutanée. Sous adrénaline 0.7 mg·h−1, la tension artérielle est alors à 85/46 mmHg et la fréquence cardiaque à 97 battements·min−1. La patiente reçoit du midazolam comme sédation pour la mise en place d’une canule dans l’artère radiale gauche et d’un cathéter veineux central dans la jugulaire interne droite. La patiente est sevrée en catécholamines une heure après son admission en unité de surveillance continue. La trachée est extubée après arrêt de la sédation. La tension artérielle est alors à 103/47 mmHg et le pouls à 103 battements·min−1. La patiente quitte l’hôpital après 48 h. Le bilan biologique donne les résultats suivants: histamine > 100 nmol·L−1 (N < 10 nmol·L−1); tryptase: 102 μg·L−1 (N < 11,4 μg·L−1); IgE spécifique au rocuronium: 46,33 % d’inhibition (positif). Les tests cutanés (pricks tests) sont positifs pour le rocuronium avec une papule de 8 mm de diamètre associée à un prurit.

Depuis la publication du cas clinique rapporté par McDonnell et coll.,1 qui représente la première illustration de l’intérêt potentiel d’une administration de sugammadex en cas de réaction anaphylactique réfractaire aux catécholamines induit par le rocuronium, plusieurs publications ont fait état d’observations semblables.2,3 Puisque des études randomisées sont impossibles, l’évaluation de l’intérêt potentiel de telles approches thérapeutiques ne pourra se faire qu’à travers la publication de cas cliniques, qu’ils soient positifs ou négatifs. Dans notre cas, la patiente a développé un choc anaphylactique de grade III après l’administration du rocuronium et les symptômes ont été complètement résolus après l’administration du sugammadex en plus de la réanimation traditionnelle. Les raisons de cette amélioration sont peu claires.4,5