Introduction

Le cancer de la prostate (CaP) est la deuxième tumeur la plus fréquemment diagnostiquée chez les hommes. Son incidence varie entre les différentes régions géographiques, avec un taux plus élevé en Australie, États-Unis et Europe occidentale, ainsi qu’en fonction des efforts de détection, qui dépendent de l’efficacité et des ressources économiques des systèmes de santé. Ainsi suite au développement économique ces dernières années en Europe orientale et en Asie, l’incidence du CaP a augmentée dans ces deux continents.

Quant à sa prévalence, elle est de 59 % au-dessus de 80 ans (ce taux bien entendu n’est pas aussi important chez les patients plus jeunes, soit de 5 % en dessous de 30 ans) [1].

Avoir un carcinome de la prostate est donc assez commun chez un patient âgé, mais souvent, il n’est pas responsable du décès du patient. Il est donc important de ne pas sur-diagnostiquer et sur-traiter des cancers qui sont indolents et, par contre, détecter des maladies qui auront un impact significatif sur la mortalité ou la qualité de vie (QoL) des patients.

Voilà le but d’un programme de détection précoce efficace.

L’utilité du PSA

Pour le CaP, il existe un test très efficace pour la détection précoce, qui est le dosage du PSA (prostate-specific antigen) sanguin, protéine découverte en 1970 par Richard J. Ablin. Etudié avec précision, puis validé, par la Food and Drug Administration (FDA) en 1986, le PSA est largement utilisé dans le monde entier pour détecter et suivre le CaP. Il a ainsi révolutionné la prise en charge de cette maladie. Son introduction a permis de diagnostiquer des tumeurs aux stades plus précoces et ainsi de pouvoir diminuer la mortalité liée à la maladie; par exemple le taux de maladies d’emblée métastatiques est passé de 19,8 % en 1989 à 3,3 % en 1998 en Pologne après l’introduction de ce marqueur [2].

Une dizaine d’années après l’introduction du PSA dans la pratique clinique, deux études prospectives ont investigué l’opportunité d’un dépistage de masse pour le CaP, avec des résultats contradictoires. L’étude PLCO (Prostate Lung Colorectal and Ovarian cancer screening trial), débutée en 1996 en Amérique du Nord, a randomisé plus de 76.000 patients suivis pour au moins 10 ans. De façon surprenante, le taux de mortalité liée au CaP du groupe de patients dépistés s’est avéré semblable à celui du groupe n’ayant pas bénéficié de dépistage [4]. L’étude ERSCP (European Randomised Study of screening for Prostate Cancer; 182.000 patients suivis pendant plus de 10 ans) montre par contre, déjà dans sa première publication, une diminution substantielle du taux de mortalité spécifique du CaP de 20 % [5].

La divergence entre les deux études s’explique par un biais dans la méthodologie de l’étude PLCO: plus de 50 % des patients dans le groupe contrôle avaient déjà bénéficié d’au moins un dépistage avant d’être inclus dans l’étude.

Face à cette controverse, l’U.S. Preventive Services Task Force a publié en 2012 la recommandation de ne plus pratiquer le dépistage précoce du CaP (auparavant non recommandé seulement après l’âge de 75 ans). Consécutivement, on a assisté à une augmentation du diagnostic des adénocarcinomes prostatiques de risque intermédiaire ou de haut-risque, ainsi que des adénocarcinomes d’emblée métastatiques. Cette évolution a abouti à la recommandation de proposer une détection précoce chez le sujet informé des conséquences de celui-ci. Parallèlement, de nombreuses méta-analyses ont soutenu les avantages de la détection précoce par le PSA, en mettant en évidence des bénéfices sur la mortalité liée à la maladie, surtout en présence d’une détection effectuée suffisamment précocement [6,7,8].

En particulier, la Cochrane Review, publiée en 2013, montre l’utilité du dépistage en termes de : augmentation des diagnostics, diagnostic de maladies localisées et survie liée à la maladie [9]. Enfin, le sous-groupe scandinave de l’étude ERSPC a démontré à 14 ans un bénéfice de survie spécifique notoire dans le groupe dépistage, apparenté à celui mis en évidence pour le cancer du sein dépisté par mammographie [10].

En conclusion, le dosage du PSA est un test très sensible pour la détection du CaP, mais il manque de spécificité, d’où la nécessité d’un contexte clinique précis pour éviter un haut nombre de faux positifs. Actuellement, les Guidelines de lʼEAU (European Association of Urology) ne recommandent pas de dépistage systématique, mais une détection précoce chez des patients sélectionnés et bien informés [11].

De la prévention primaire à la détection précoce

Prévention primaire

Plusieurs substances ont été investiguées dans un potentiel rôle de facteur de risque pouvant favoriser le développement d’un CaP. Aucune corrélation n’a été trouvée avec certains aliments (e.g. viande, alcool, acides gras oméga‑3, lycopène ou matières grasses), le syndrome métabolique, la vitamine D ou les inhibiteurs de la 5‑α-reductase [12].

Il existe plusieurs études qui mettent en évidence un taux diminué de mortalité chez des patients diabétiques traités par metformine et atteint de CaP ; bien que le mécanisme antitumoral ne soit pas bien identifié (probable effet inhibiteur du médicament sur les cellules tumorales), le protocole expérimental STAMPEDE, utilisé dans le monde entier, prévoit l’introduction d’un traitement soit par metformine soit avec des anti-androgènes de deuxième génération (e.g. enzalutamide) pour le CaP avancé [13].

Une étude américaine montre une incidence diminuée du CaP chez des patients avec plus de 21 masturbations/éjaculations par mois par rapport à des patients avec 4–7 rapports sexuels par mois [14].

Cette donnée, si mise en corrélation avec une augmentation de l’incidence de CaP chez les patients qui ont fait une vasectomie, peut suggérer un rôle probable de la stagnation du liquide spermatique (inflammation locale ?) sur le développement d’un CaP.

Finalement le tabac, le travail nocturne, l’exposition au cadmium et la gonorrhée sont des facteurs en cours d’investigation, avec plusieurs articles qui évoquent un possible rôle en tant que facteurs de risque pour le CaP; les phyto-oestrogènes semblent par contre avoir un rôle préventif.

Etant donné que le CaP est une tumeur hormono-sensible, il est important aussi de noter que l’administration de testostérone chez des patients avec un hypogonadisme n’augmente pas le risque de CaP [15].

Prévention secondaire

Le dosage sanguin du PSA en est la pierre angulaire du screening. Toutefois son interprétation requiert des nuances particulières. En premier lieu, en cas de PSA élevé, il faut répéter un dosage quelques semaines plus tard pour écarter tout impact du rythme circadien ainsi qu’un biais du laboratoire. Deuxièmement, il faut s’assurer que le PSA ait été effectué en absence de facteurs confondants, tels qu’une infection urinaire, une stimulation prostatique mécanique (par exemple le toucher rectal [TR], échographie transrectale ou cystoscopie), un rapport sexuel, un tour en vélo ; toutes ces conditions peuvent provoquer une augmentation du PSA. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le PSA est un marqueur spécifique d’organe mais pas de maladie. Il peut également être augmenté en présence d’une importante hypertrophie bénigne de la prostate et/ou une prostatite chronique.

Il existe plusieurs paramètres qui peuvent aider à préciser la potentielle “significativité cancéreuse” du PSA. Plusieurs études montrent que la valeur initiale du PSA peut déjà classifier les patients en groupes de bas ou haut risque de présenter un CaP. Le Malmo Preventive Project (suivi de 1.167 patients durant 25 ans) montre que la plupart des décès liés au CaP (>90 %) survient chez les patients avec un PSA >2 ng/ml à l’âge de 60 ans [16]. L’étude ERSPC montre d’ailleurs qu’avec un PSA initial <1 ng/ml, le risque de présenter un carcinome de la prostate (PCa) est proche de 1 % [17]. Par contre, les hommes avec un PSA >1 ng/ml à 40 ans ou >2 ng/ml à 60 ans ont un risque plus élevé de présenter une maladie plus agressive en termes de mortalité/morbidité dans les années à venir [18]. Par ailleurs, une intéressante étude montre qu’un seul dosage du PSA, effectué entre 50 et 69 ans, fait uniquement augmenter les diagnostics de CaP mais n’a aucune diminution significative sur la mortalité des patients [19], d’où la nécessité de mettre en place une stratégie de détection précoce à long terme.

Lorsque le PSA est autour de la limite supérieure de la norme (4 ng/ml), trois paramètres apportent certaines précisions.

La densité exprime le rapport entre PSA et le volume de la prostate ; elle est utile pour différencier une augmentation du PSA lié à une hyperplasie prostatique significative.

Le ratio exprime le rapport entre PSA libre et PSA lié aux protéines. Inférieur à 0,10, il en impose pour un risque plus élevé de CaP. Une étude effectuée chez 773 patients âgés de 50 à 75 ans avec un PSA entre 4 et 10 ng/ml, démontre qu’en présence d’un ratio >0,25 le pourcentage de CaP retrouvé est de 8 % contre 56 % lorsque le ratio <0,10. Cependant le ratio n’est pas fiable pour un PSA >10 ng/ml [20], reste non spécifique et doit être intégrée dans un contexte clinique précis.

La vélocité exprime la cinétique d’augmentation de la valeur du PSA dans le temps. Elle peut être évaluée comme valeur absolue d’augmentation annuelle du PSA (mesurée en ng/ml/an) ou comme temps de doublement. Elle participe à la décision d’effectuer une biopsie si son augmentation est significative dans un court intervalle de temps. Ces trois paramètres restent malheureusement insuffisants à eux seuls pour poser l’indication à une biopsie.

Le TR est, au contraire du PSA, un test très spécifique mais avec une faible sensibilité ; combiné au dosage du PSA, il permet d’augmenter l’efficacité du dépistage. Il doit être effectué par le médecin de famille ou par l’urologue ; malheureusement, il n’est pas garanti d’avoir une sensibilité optimale si le test est effectué par un médecin non expérimenté. Un TR permet normalement de diagnostiquer des tumeurs localisées dans la zone périphérique de la prostate (la majorité d’entre elles s’y situent), si le volume du nodule est >0,2 ml. Un TR suspect a une valeur prédictive positive importante et est souvent en lien avec une maladie de haut grade ou localement invasive [21].

Face à toutes ces nuances, le contexte clinique et l’expérience sont incontournables pour éviter d’effectuer des biopsies inutiles ou poser des diagnostics sans bénéfice sur l’espérance de vie ou la qualité de vie d’un patient. En résumé, les EAU Guidelines proposent d’adapter la stratégie de dépistage à la valeur du premier dosage du PSA : par exemple, un dosage aux 2 ans face à un PSA initialement déjà élevé, ou aux 5–6 ou voire 8–10 ans face à un PSA toujours bas (par exemple PSA <1 ng/ml à 40 ans ou PSA <2 ng/ml à 60 ans) [22]. Le taux de PSA doit être intégré par rapport à la présence de facteurs de risque avérés, qui sont l’histoire familiale de tumeur de la prostate ou la race noire. Notamment les hommes avec trois proches atteints ont un risque de CaP beaucoup plus élevé par rapport à des patients sans histoire familiale (11,4 % vs 1,4 %). Les patients de race noire présentent plus souvent une maladie avancée et un taux de récidive plus élevé après prostatectomie radicale par rapport aux patients de race blanche (49 % vs 26 %) [24]. Par ailleurs, les patients porteurs de la mutation génétique BCRA2 ont aussi un risque de CaP et de maladie de haut grade plus élevé [23].

Les Guidelines de l’EAU proposent donc d’adapter le dépistage par PSA pour ces populations à risque : la détection précoce doit être proposée dès l’âge de 50 ans pour la population générale, à l’âge de 45 ans pour les patients avec une histoire familiale de CaP ou d’appartenance à la race noire, et à 40 ans en présence d’une mutation génétique BRCA2 (Tab. 1).

Tab. 1 Règles de lʼEAU sur le dépistage du CaP en fonction de l’âge et des facteurs de risque

L’EAU s’exprime aussi quant à la durée du dépistage : si celui-ci a été effectué correctement, il peut être arrêté à 75 ans. Pour les patients plus âgés, aucun dépistage systématique n’est préconisé.

Au plan pratique à ce jour, les trois outils initiaux de détection précoce du CaP sont le dosage du PSA sanguin total, la pratique d’un toucher rectal (TR) et la mesure du volume prostatique (afin d’établir la densité du PSA). L’utilité combinée de ces trois données pour évaluer le risque individuel de CaP a été majorée par l’élaboration de divers nomogrammes (notamment ceux de l’ERSPC, disponible en ligne), qui peuvent être utilisés par le médecin de famille ou l’urologue traitant pour évaluer le risque de CaP. Selon l’importance du risque calculé, on propose une biopsie de la prostate (Risque < 12,5 % → pas de biopsie. Risque 12,5 à 20 % → considérer éventuellement une biopsie selon comorbidités, hérédité, etc. Risque > 20 % → biopsie).

Ces nomogrammes sont recommandés dans les Guidelines de l’EAU.

L’étude prospective de l’ERSPC mentionnée ci-dessus a comparé différentes durées de dépistage, ce qui a permis de démontrer que plus celui-ci est long, plus il est efficace.

Ainsi, le nombre de patients auxquels proposer un dépistage pour éviter un décès dû au CaP (NNS – number needed to screen) diminue drastiquement, permettant de dépasser le dépistage pour le carcinome mammaire en termes d’efficacité et de rapport coût/bénéfice. En termes concrets, le nombre de patients à inclure dans le dépistage pour éviter un décès est de 742 avec un dépistage de 13 ans et de 570 avec un dépistage de 16 ans [24]. À titre comparatif, le nombre de patientes entre 50 et 59 ans auxquelles proposer une mammographie pour éviter un décès dû au cancer mammaire est de 1.340.

Ces directives n’empêchent pas d’effectuer un dosage du PSA chez un patient de plus de 75 ans en parfait état général avec une espérance de vie de 15 ans. La règle suggère d’effectuer un dépistage chez un patient avec une espérance de vie de >10–15 ans, car poser un diagnostic de CaP chez un patient avec une espérance de vie restreinte n’aura pas d’impact sur la mortalité du patient. Au contraire, cela engendrera une augmentation du taux de surtraitement et, par conséquent, une augmentation du risque de complications possibles, et donc du taux de morbidité, ainsi que du coût sanitaire.

Cependant, l’investigation d’un patient plus âgé mais symptomatique avec une suspicion clinique de CaP reste une option valable, dans le but de mettre en place un traitement palliatif.

Typiquement, il est possible d’avoir des patients âgés qui deviennent symptomatiques sur un CaP avancé, par exemple:

  • douleur lombaire (ou en général osseuse) en cas de tassement métastatique de la colonne vertébrale;

  • rétention urinaire du fait de l’hypertrophie prostatique tumorale;

  • dilatation pyélocalicielle (compliquée soit d’une insuffisance rénale, d’une douleur lombaire ou d’une pyélonéphrite) sur compression urétérale extrinsèque.

En présence d’une des complications susmentionnées, il est toujours possible de mettre en place un traitement palliatif, notamment un traitement systémique par déprivation androgénique, couplé à un éventuel traitement local (e.g. radiothérapie ciblée sur les métastases, intervention désobstructive prostatique, mise en place d’un drainage rénal, etc.).

Les nouveaux biomarqueurs

De nouveaux biomarqueurs sont en cours d’investigation : 4‑kallikrein-panel (4K) ou Prostate Health Index test (PHI) dans le bilan sanguin, recherche de m‑RNA PCA3 (prostate cancer antigen) ou TMPRSS2-ERG (trans-membrane protease serine 2) dans les urines.

Plusieurs études montrent un possible rôle de ces marqueurs pour différencier des maladies de haut et bas grade; actuellement, à cause surtout du manque d’études et de financements, ces examens n’ont pas encore fait leurs preuves.

Actuellement, les Guidelines de l’EAU ne suggèrent d’utiliser ces nouveaux biomarqueurs (notamment le PHI) que pour le suivi d’un patient avec une précédente biopsie négative de prostate, en attente de nouvelles données.

IRM multiparametrique

Traditionnellement, l’IRM était limitée à la stadification du CaP, mais grâce aux techniques d’imagerie avancées, son utilisation s’est étendue à divers stades de la pratique clinique, notamment la détection des tumeurs et le suivi de la maladie pendant une surveillance active.

L’IRM multiparamétrique de la prostate (IRMmp) est une modalité radiologique qui combine l’imagerie IRM anatomique avec une ou plusieurs séquences IRM fonctionnelles. C’est actuellement la modalité d’imagerie la plus précise pour détecter, localiser et déterminer le stade du cancer de la prostate. Elle fournit des informations anatomiques en utilisant l’imagerie pondérée en T2, ainsi que des informations métaboliques grâce aux techniques de contraste amélioré (IRM-DCE) et de diffusion (IDP) ([25]; Fig. 1). Elle peut ainsi identifier différents types de lésion.

Fig. 1
figure 1

L’IRM multiparamétrique (IRMmp) montrant une lésion prostatique de la zone périphérique postéro-médiane gauche avec effraction de la capsule prostatique, classé Prostate Imaging Reporting and Data System (PI-RADS) 5. a Séquence anatomique en pondération T2 montrant la lésion sous forme d’une plage en hyposignal. b,c Séquences fonctionnelles de diffusion (ADC et high b‑value DWI) avec hypointensité de signal en ADC et hyperintensité en high b‑value DWI. d Séquence de perfusion dynamique (dynamic contrast enhancement – DCE), montrant un rehaussement intense et précoce de la lésion

Le score Prostate Imaging Reporting and Data System (PI-RADS) a été introduit en 2012 pour les classifier. Cette classification a révolutionné l’imagerie de la prostate en standardisant la façon dont l’examen est acquis et interprété. Elle a été révisée et simplifiée en 2015 (PI-RADS version 2) et continue d’évoluer (PI-RADS version 2.1 de 2019).

Le score PI-RADS v2 utilise une échelle de cinq points dépendants des résultats d’IRMmp sur les différentes phases d’acquisitions. Pour chaque lésion ce score définira le risque d’un cancer de prostate (Tab. 2).

Tab. 2 Classification PI-RADS v2 (validée en 2019)

Actuellement, en cas de suspicion clinique (TR) ou biologique (PSA) de CaP, il n’est pas recommandé d’effectuer des biopsies randomisées de la prostate, mais les Guidelines de l’EAU recommandent d’effectuer d’emblée une IRMmp à la recherche d’un nodule prostatique sur lequel éventuellement cibler une biopsie.

La corrélation avec les échantillons des biopsies montre que l’IRMmp a une bonne sensibilité pour la détection et la localisation des cancers de grade intermédiaire et élevé.

Dans une récente méta-analyse Cochrane qui a comparé l’IRMmp à des biopsies modèles (>20 carottes) dans des contextes de biopsies natives et répétées, l’IRMmp avait une sensibilité élevée (>90 %) et une spécificité de 35 % (grade ISUP >2).

Elle est par contre moins sensible pour identifier les CaP de bas grade (International Society of Urological Pathology [ISUP] grade 1), avec une sensibilité globale de 70 %.

Ainsi, en raison du manque de spécificité de l’IRMmp, on trouve parfois des maladies de bas grade, d’où la recommandation de ne pas effectuer d’IRMmp comme test de détection chez les patients sans suspicion clinique (TR ou PSA pathologique).

Grâce à l’IRMmp, le 30–60 % des biopsies superflues sont aujourd’hui évitées.

En cas de suspicion clinique ou biologique de CaP, la découverte à l’IRMmp d’un nodule PI-RADS >3 pose normalement l’indication à effectuer une biopsie ciblée de ce nodule, étant donné un risque de CaP cliniquement significatif (ISUP >1) d’environ 10 % avec une lésion PI-RADS 3, de 28 % avec une lésion PI-RADS 4 et de 54 % avec une lésion PI-RADS 5 [26].

Le score PI-RADS peut aussi donner une indication sur le grade de carcinome prostatique qu’on va éventuellement trouver à la biopsie : les lésions PI-RADS 4 et 5 sont normalement associées à des tumeurs ISUP >2.

Dans un avenir possiblement proche se pose la question futuriste de la détection primaire (sans s’aider du PSA) du CaP par IRM. Cependant jusqu’à ce jour, aucun travail n’a pu valider une telle perspective. Par contre, l’information apportée par l’IRM est actuellement déjà incorporée dans certains nomogrammes (e.g. ERSPC) stratifiant la probabilité de biopsie positive. Dans une perspective d’épargne financière, il y a actuellement un gros courant de recherche visant à prédire l’opportunité de la réalisation d’une IRM, puis d’une éventuelle biopsie au moyen de nomogrammes combinants TR, volume prostatique et PSA ou nouveaux marqueurs [27].

Les biopsies ciblées de prostate

Les biopsies prostatiques ciblées sur les images IRM sont désormais effectuées selon la technique de fusion. Cette méthode permet de superposer des images IRMmp avec des images échographiques tridimensionnelles (3D) lors de la pratique de la biopsie. Notre étude a montré en 2017 que cette technique a un taux de détection de CaP supérieur aux autres techniques (58 %, vs 38 % sous échographie 3D seule et 19 % sous échographie 2D seule) [28].

Le taux de détection augmente avec l’augmentation du grade ISUP. Les biopsies ciblées n’exposent pas à un risque de surtraitement car elles identifient moins de tumeurs de bas grade (ISUP 1), qui sont des tumeurs cliniquement peu significatives.

Les biopsies peuvent être effectuées par voie transrectale (TR) ou trans-périnéale (TP), sans différence entre les taux de détection ; la biopsie trans-périnéale est par contre associée à un moindre taux d’infections et de saignement (RR de 0,26 et de 0,79 entre biopsie TR et TP). Les biopsies TP sont ainsi particulièrement indiquées chez les patients diabétiques, sondés ou en général à risque de prostatite, avec une tendance à la généraliser à tous les patients en raison du risque infectieux moindre, et de la cartographie prostatique antérieure mieux échantillonnée que par voie TR. La biopsie TP peut être par contre associée à une symptomatologie algique les jours après le geste (RR 1,83) [29].

Des biopsies randomisées du reste de la prostate sont toujours effectuées en plus des biopsies ciblées en raison des 8 % de tumeurs cliniquement significatives qui sont identifiées en dehors des nodules biopsies sous méthode fusion, ce qui permet évidemment de mieux planifier la stratégie de prise en charge (traitement focal ou radical, ou surveillance active).

Conclusions

Le cancer de la prostate, contrairement à d’autres tumeurs, est parfois une maladie à lente progression, mais très prévalente dans la population et capable de causer un taux élevé de morbidité et mortalité.

Une détection précoce avec dosage du PSA et TR devrait donc être proposé à tout sujet masculin bien informé sur ses conséquences, selon les recommandations indiquées dans cet article, conformément aux Guidelines de l’EAU.

Le double but du dépistage est de diagnostiquer les cancers potentiellement mortels ou causant une morbidité importante, tout évitant la mise en place d’investigations et traitements agressifs pour des maladies de bas grade, surtout chez les patients âgés.

Le PSA est un marqueur sensible mais spécifique seulement d’organe et pas de maladie.

L’interprétation de son résultat doit être accompagné d’un contexte clinique précis, pour éviter la réalisation de biopsies superflues. Les scores ERSPC sont très utiles pour orienter le médecin dans l’indication à une biopsie face à un PSA suspect.

L’IRM multiparamétrique est un examen essentiel avant l’éventuelle réalisation d’une biopsie ainsi que pour la stadification et le suivi du CaP.

Des nouveaux biomarqueurs plus spécifiques sont attendus de longue date pour améliorer la détection précoce du CaP, mais sont toujours à l’heure actuelle au stade investigatif.