Au rédacteur en chef,

En raison des modifications physiologiques liées à la grossesse, la réalisation d’une anesthésie générale chez une parturiente expose celle-ci à un risque accru de régurgitation et de pneumopathie d’inhalation. Pour le contrôle des voies aériennes en obstétrique, la règle est donc celle de l’intubation trachéale systématique, avec une induction en séquence rapide. Plusieurs études, notamment en France, ont montré une discordance majeure entre recommandations et pratiques.1 L’objectif de notre étude était de décrire les modalités de gestion des voies aériennes lors des anesthésies générales réalisées en obstétrique dans une maternité universitaire du Bénin.

Notre étude a été réalisée à l’Hôpital de la Mère et de l’Enfant Lagune (HOMEL) de Cotonou après accord du comité d’éthique de l’hôpital. Cette étude rétrospective, observationnelle et descriptive s’est étendue de janvier à décembre 2007. Toutes les patientes ayant bénéficié d’une anesthésie générale pour une césarienne ou pour des complications obstétricales en fin d’accouchement ont été incluses. L’âge, les indications obstétricales, la technique d’induction, les modalités de prise en charge des voies aériennes et les complications respiratoires péri-opératoires ont été notées. Le dépouillement des données a été manuel. Sept cent quarante-quatre (744) patientes ont été incluses dans l’étude (Figure). Les indications d’anesthésie pour complications en fin d’accouchement étaient les examens obstétricaux pour hémorragie du postpartum (46%); les réparations de lésions cervico-vaginales (30%); les extractions manuelles de placenta (19%); et les manœuvres obstétricales (5%).

Figure
figure 1

Répartition des patientes. ALR = anesthésie locorégionale; IOT = anesthésie générale avec intubation orotrachéale; AGM = anesthésie générale avec masque facial

Le choix de l’hypnotique intraveineux dépendait de l’indication obstétricale. Pour les césariennes, le thiopental a été l’agent le plus utilisé (78%). En revanche, la kétamine a été plus utilisée pour les complications en fin d’accouchement (90%). D’autre part, le choix de l’hypnotique était relié aux modalités de prise en charge des voies aériennes. Les anesthésies générales au masque facial ont été réalisées en majorité avec la kétamine (79%). Le thiopental a été l’hypnotique le plus utilisé pour les cas d’intubation trachéale (74%). Pour ces intubations trachéales, le pancuronium a été pratiquement le seul curare utilisé pour l’intubation. La succinylcholine, curare de référence pour l’intubation en obstétrique n’a été utilisée que dans deux cas. L’intubation orotrachéale a été tentée dans tous les cas de césarienne. Nous avons observé neuf cas d’intubation difficile ou d’échec d’intubation au cours des césariennes (1,9%). Deux décès par inhalation (0,42%) ont été observés après une césarienne et ils étaient tous deux liés à une intubation difficile. L’anesthésie générale au masque facial a été couramment utilisée lors de complications en fin d’accouchement, sans décès par inhalation.

Dans les pays en développement, le taux d’anesthésie générale pour les césariennes est plus élevé que dans les pays développés.2 , 3 Dans notre milieu, l’intubation trachéale a été systématique d’emblée lors des anesthésies générales pour les césariennes, conformément aux recommandations. Cependant, la technique d’intubation à séquence rapide avec la succinylcholine n’a pas été utilisée. L’anesthésie sans intubation trachéale a été de première intention en cas d’anesthésie générale pour complications en fin d’accouchement. Le taux d’intubation trachéale n’a été que de 15,5%. Cette pratique, qui contredit les recommandations, est cependant en adéquation avec les pratiques décrites dans la littérature.1