Au rédacteur en chef,

Les lésions du tronc artériel brachiocéphalique (TABC) post-trachéostomie constituent une complication rare pouvant engager le pronostic vital avec une mortalité pouvant atteindre 75 %,1 avec une survenue qui peut être tardive de plusieurs jours.1

Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 62 ans admise pour asthme aigu grave. Devant l’aggravation de son état respiratoire, le recours à la ventilation mécanique par l’intermédiaire d’une sonde orotrachéale (n°8) s’est avéré nécessaire. L’évolution a été marquée par la persistance du bronchospasme et l’apparition d’un pneumothorax récidivant. Au dixième jour, une canule de trachéostomie (numéro 8, tracheostomytube® : Laboratoire AZYN Medical, Gouex, France) était mise en place au bloc opératoire par un oto-rhino-laryngologiste expérimenté, en sous isthmique en regard du quatrième anneau trachéal. Aucun incident peropératoire n’a été mentionné. Au quatrième jour après la trachéostomie, la patiente a présenté brutalement une hémorragie cataclysmique s’extériorisant autour de la canule trachéale avec du sang rouge vif, occasionnant un collapsus cardiovasculaire sans détresse respiratoire. L’aspiration trachéale n’a pas ramené de sang. Une compression autour de la canule a permis de réduire l’hémorragie. L’administration de solutions macromoléculaires, de sept culots globulaires et d’agents vaso-actifs a permis de rétablir la situation hémodynamique. La patiente a bénéficié immédiatement d’une intervention chirurgicale par voie transclaviculaire. L’exploration a mis en évidence une brèche de deux centimètres au niveau du TABC. Le geste curatif a consisté en une suture de la brèche. Une canule de trachéostomie de même taille que la première a été remise en place. Toutefois, trois jours après, une récidive hémorragique foudroyante est survenue occasionnant un collapsus cardiovasculaire et détresse respiratoire avec décès de la patiente sur table opératoire.

L’incidence de l’érosion du tronc artériel brachio-céphalique après la mise en place d’une trachéostomie est de l’ordre de 0,6 à 0,7 %.1 Parmi les complications vasculaires de la trachéostomie la brèche du TABC représente à elle seule 70 % des atteintes.2 L’érosion survient soit par contact direct du coude de la canule, soit au travers de la trachée par le bout ou par le ballonnet de la canule.1 La position anatomique du tronc artériel, proche de la trachée, explique ainsi la fréquence de son atteinte. Les facteurs de risque de la survenue de cette complication sont multiples : trachéostomie bas située, les soins post-trachéostomie (mobilisation, hyper extension, hyper flexion), nécrose par hyperinflation du ballonnet, traumatisme de la muqueuse par malposition de la canule, l’usage de corticoïdes, l’infection locale et la malnutrition.1,3 Une intubation trachéale prolongée peut être aussi impliquée.3 Chez les patients trachéotomisés le diagnostic de l’érosion du TABC repose sur le saignement massif de l’orifice de la trachéostomie avec détresse hémodynamique et respiratoire. Entre 35 % à 50 % des cas présentent un saignement minime entre deux heures à quatre jours avant l’hémorragie massive.4 Des battements de la canule rythmés par le pouls ou des aspirations trachéales sanglantes sont des signes d’alarme.2 La prise en charge initiale consiste à gonfler le ballonnet pour sécuriser les voies aériennes et prévenir l’inhalation. La compression digitale peut limiter la déperdition sanguine. L’intubation orotrachéale avec hyperinflation du ballonnet peut être recommandée en cas d’hémorragie continue.1,3 Une prise en charge simultanée du choc hémorragique doit être entreprise. Le contrôle définitif de l’hémorragie s’effectue ensuite le plus tôt possible au bloc opératoire.2,3 La surveillance doit être continue car le risque de récidive existe.5

L’ulcération du TABC après trachéostomie est une complication rare mais potentiellement fatale qui doit être connue par les réanimateurs. La trachéostomie basse au dessous du troisième anneau trachéale doit être évitée5 et une attention particulière doit être portée aux signes d’alarmes surtout si le patient a des facteurs de risques.