Résumé
Qu’est-ce qui incite Dimitri T. Analis (1938) – poète grec d’expression française et spécialiste des relations internationales, après avoir publié plusieurs recueils de poèmes et de nombreux ouvrages et essais sur les relations Nord-Sud, à se tourner vers la prose ces dix dernières années, et à faire du récit de la vie de Panayotis Kerylos, un simple tailleur immigré, celui de sa propre vie ? (« L’habit vide », L’Autre Royaume, 2003). Qu’est-ce qui l’engage ainsi à entamer dans la même époque, à l’instar de son héros, un voyage intérieur « dans la géographie de son âme », en prenant des « notes en marge du siècle » sous forme de maximes et de textes brefs (Éloge de la proie, 2005) à la manière des aphorismes camusiens qui closent Le Premier Homme (1994), récit autobiographique inachevé, retrouvé dans le sac de l’auteur le jour de sa mort accidentelle ? Si « écrire, c’est trouver une parole apte à communiquer aux autres le « non-dit » » (Éloge de la proie), quelle est la part dans cette entreprise du retour à la première patrie (la Grèce ou l’Algérie) et celle de l’entrevue (visionnaire ?) avec la mort en tant que non-dit dans l’écriture de Dimitri T. Analis, sur les traces d’Albert Camus ?
Notes
Dimitri T. Analis a obtenu le Grand Prix de la Francophonie en 2006 et la Grande Médaille de la Francophonie en 2008.
Il a été pendant longtemps conseiller en affaires internationales et spécialiste des Relations Est-Ouest et des Minorités.
Il a publié aussi des essais sur l’art et plusieurs traductions; entre autres : (1991). Jean, L’Apocalypse. Paris : Obsidiane (2004). Eschyle, Théâtre. Paris : La Différence.
Ce qui ne l’empêche pas d’avouer : « Ne pas parler de soi-même peut être une forme suprême de narcissisme » (Analis 2005, p. 141).
« Le temps est l’allié de la vérité », affirme-t-il (ibid., p. 104).
« […] la relation de l’homme avec le réel et le vrai, la vraie vie » (Analis 1995a, p. 29).
« La vérité et le mythe sont consubstantiels », affirme-t-il (Analis 2005, p. 70).
Est-ce à cette forme absurde de justice que renvoie ce vers de Analis (2002, p. 60) : « Toute justice ne fut qu’alibi de la laideur » ?
Voir à propos ce qu’écrit Kundera (2005, p. 68) en ce qui concerne la jalousie et la haine des intellectuelles parisiens vis-à-vis de Camus : il « se sentait très mal parmi [eux] [à cause] [d]es marques de vulgarité qui s’attachaient à sa personne : les origines pauvres, la mère illettrée; la condition de pied-noir sympathisant avec d’autres pieds-noirs, gens aux « façons si basses ! ». »
« De toutes les patries, la plus haute est l’exil. Exil, notre liberté libre » (Analis 2001, p. 64).
Manuscrit déposé aux Éditions de la Différence sous le titre (provisoire ?) De vertu et d’audace.
Selon une heureuse formule de Goethe mise en exergue au recueil de poèmes de Analis (1971). La Minuterie du sommeil. Lausanne : L’Âge d’Homme.
« Des chiromanciennes, rencontrées un peu partout à diverses époques, m’avaient toutes prédit que ma vie serait coupée en deux » (Analis 2005, p. 15).
Il est intéressant de lire aussi cette note extraite de l’Éloge de la proie (2005) : « Un jour, une pensée venue du plus lointain de moi-même m’a fait dire : je suis un problème du temps. Sans m’en rendre compte, j’étais passé de l’autre rive » (p. 114).
D’après les brouillons du poète, il est intéressant de signaler que le premier titre du recueil était : Visages de l’autre rive.
« L’œuvre est la tentative d’alléger le néant de son vide », ajoute D. Analis un peu plus bas (2005, p. 75).
Voir à propos l’interview de D. Analis in Flache 15, numéro dédié à lui-même.
Pour paraphraser la phrase qui clôt une missive de D. Analis adressée au poète Adonis (2001, p. 14).
Références bibliographiques
Analis, D. T. (1970). Panoréa. Lausanne: L’Âge d’Homme.
Analis, D. T. (1982). In La Grèce, hors saison. Photos de Costis Antoniadis. Paris: Plasma.
Analis, D. T. (1990). Pays exclusif. Cognac: Obsidiane.
Analis, D. T. (1995a). Poésie et modernité. In Être absolument moderne – Colloque Rimbaud d’Aden. Paris: SUD – Cahiers trimestriels.
Analis, D. T. (1995b). Sana’a – Aden, Feuillets de route. Marseille: Les Cahiers de l’Égaré.
Analis, D. T. (1996). Silencieuse Fraternité. Marseille: Les Cahiers de l’Égaré.
Analis, D. T. (1997a). L’avant-dire. In M. Lamart (Ed.) Le Bel Aujourd’hui. textes recueillis. Paris: CADEX.
Analis, D. T. (1997b). Andreas Calvos – Un errant de la modernité (préface), In A. Calvos (Ed.) Odes, trad. du grec par Vlachos I.A. (pp. 7–21). Paris: L’Âge d’Homme—Indiktos.
Analis, D. T. – Adonis (2001). In Amitié, Temps & Lumière. Cognac: Obsidiane.
Analis, D. T. (2002). Hommes de l’autre rive. Cognac: Obsidiane.
Analis, D. T. (2003). L’Habit vide. In L’Autre royaume (pp. 9–37). Paris: La Différence
Analis, D. T. (2005). Éloge de la proie (Notes en marge du siècle). Paris: La Différence.
Analis, D. T. (2010). Ma francophonie, par quels chemins? Texte inédit.
Baudelaire, Ch. ([1869] 2003). Perte d’auréole, XLVI. In Le Spleen de Paris – Petits poèmes en prose. Paris: Le Livre de Poche Classique.
Camus, Α. ([1994] 2007). Le Premier Homme (notes et plans). Paris: Gallimard/Folio.
Flache 15 (1990). Numéro dédié à D. T. Analis. Ville de Charleville-Mézières.
Kundera, M. (2005). Le Rideau – essai en sept parties. Paris: NRF Gallimard.
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Vlavianou, A. Avatars de l’identité : écritures du non-dit dans la prose de D. T. Analis à l’instar de Camus dans Le Premier Homme . Neohelicon 41, 203–210 (2014). https://doi.org/10.1007/s11059-013-0162-4
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