Résumé
Quelle latitude, en termes de théorie de l’agent économique ou de théorie de l’action, la distinction entre la probabilité du phénomène et la probabilité subjective, telle que j’ai proposé de la considérer dans les premiers chapitres peut-elle offrir1?
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Literatur
Le mot de probabilité une fois lâché dans un contexte subjectiviste, on songera peutêtre au raisonnement bayésien (Parent et Bernier [2007]). Ce n’est pas mon propos ici. En effet un tel raisonnement statistique consiste à partir d’une distribution de probabilité hypothétique pour établir, par la confrontation empirique et le calcul, une distribution de probabilité observée. Il s’agit donc, avec les techniques bayésiennes du calcul, de la probabilité du phénomène. Cette démarche est d’un très grand intérêt, mais elle n’entre pas dans le spectre qui sera discuté dans ce chapitre. Deux questions connexes pourraient être soulevées une fois l’exploration de la probabilité subjective conduite plus avant. Du point de vue de l’histoire des sciences, quels sont les rapports entre la formation historique du raisonnement bayésien et celle des raisonnements statistiques plus standards, étant entendu que les mêmes auteurs apparaissent dans les deux généalogies intellectuelles? Du point de vue empirique, jusqu’à quel point le raisonnement bayésien pourrait-il rendre compte de la formation de ce que j’appelle ici la probabilité subjective? Ces deux questions m’entraineraient hors de mon propos.
Bourdieu [1963], p. 339 (les soulignés sont miens). Voir le chapitre 1.
Il s’agit d’une moyenne conditionnelle. Voir Barbut [2007], p. 111–112, qui commente l’interprétation de telles distributions sur une échelle de revenus.
Les sections 6.2 et 6.4, ci-après, partent des derniers chapitres de Walter et Brian [2007a]. La typologie des agents sur les marchés financiers «sérieux ou pas» est due à Walter (p. 166–175). Quant au calcul, il est parti du souci de Walter de donner un contre-exemple parétien au calcul gaussien de la valeur fondamentale en finance contemporaine (p. 155–156 et p. 160–163). Je l’ai prolongé par une conjecture sur la relation entre le taux d’actualisation et le coefficient α (p. 157–158). Nous avons commenté ces résultats formels dans un dialogue d’écriture (p. 158–159 et p. 175–180). L’arrière-plan épistémologique et sociologique qui fait l’objet du présent livre était absent (à peine évoqué p. 180–182). Maintenant que ce cadre est posé, j’y reviens au moins pour dissiper les ambiguïtés du premier jet, sans doute dues à l’enthousiasme que ne pouvait manquer de susciter les premiers éléments dégagés.
Voir à ce sujet le chapitre 3. Voir aussi Walter et Brian [2007c], p. 153–157.
This Saint-Jean [2007].
La Chapelle [2007].
L’esquisse d’une théorie du spéculateur présentéc dans les pages qui suivent n’est pas dans Walter et Brian [2007a], où ne figure qu’une première ébauche de ce qui plus loin sera le cas de la Laitière.
C’est ici qu’interviennent pertinemment de nombreux travaux sociologiques récents déjà cités ou encore les recherches ethnologiques et historiques dont le périmètre est tracé dans Coquery, Menant et Weber [2006].
L’histoire économique traite aujourd’hui ces questions pour les marchés les plus divers. Pour un récent état des lieux, voir Margairaz et Minard [2006]. Sur le plan sociologique, on renouerait ici avec un cadre durkheimien.
Gallais-Hamono et Hautcoeur [2007], Hautcoeur [2008], Arbulu [2008].
Voir à ce sujet Perrot [1992], Brian [1991] et Walter et Brian [2007c].
Chamboredon [1984], Brian et Jaisson [2007b].
Hoffman, Postel-Vinay et Rosenthal [2001].
L’une des grandes forces du raisonnement probabiliste est qu’il peut rendre raison de certains aspects des à-peu-près à l’encontre desquels s’épuisent les conceptions étroitement mécaniques des calculs. Voir à ce sujet Guilbaud [1985] et [Guilbaud] [1988].
Ce dernier principe est connu dans les sciences cognitives. Voir Cicourel [1985].
Elster [1987] et [2003] a montré la fécondité de l’analyse des dictons et des proverbes pour l’exploration des limites de la rationalité. L’élargissement que nous proposons dans ce chapitre prend de même au sérieux de telles formules proverbiales ici analysées au moyen des concepts mathématiques discutés dans les chapitres précédents.
Cette attention aux personnages du fabuliste a été entretenue au cours de discussions avec J.-C. Perrot. Il faudrait aussi mentionner les échanges sur le raisonnement probabiliste encouragés par E. Coumet et M. Barbut pendant leur séminaire à l’EHESS. Les Fables choisies sont d’abord parues en 1668. Je m’appuierai sur l’édition de référence de 1802. Il faut sans doute préciser que ce sont non pas les fables, mais les contes de La Fontaine qui furent publiés en 1762 aux frais des fermiers généraux. Sur l’importance des moralistes dans l’histoire de la formation de la théorie sociale, voir Heibron [1990].
[Ésope] [1709], fable Ci, p. 211–212.
La Fontaine [1802]: Le Petit Poisson et le Pêcheur, t. 1, liv. V, fable 3.
J’ai déjà commenté cette fable dans Brian [1990]. Voir aussi Walter et Brian [2007c].
La Fontaine [1802]. Le Savetier et le Financier, t. 2, liv. VIII, fable 2.
Sur la classification des variables aléatoires selon le calcul des moments d’ordre 1 et 2, voir Lévy [1924] et Barbut [2007].
La chose est chez Vauban, voir Meusnier [2003]. Sur l’arithmétique politique à l’époque moderne, Martin [2003].
Voir le chapitre précédent. Voir aussi Walter et Brian [2007c] et Brian et Walter [2007], à la suite de Barbut [2007].
Je reprends ici l’ébauche parue dans Brian et Walter [2007], p. 175–182, en systématisant son interprétation en termes de probabilité subjective.
Sur cette caractéristique de la théorie de la valeur fondamentale, voir This Saint-Jean [2007]. C’est précisément en cherchant à invalider la condition de transversalité au moyen de l’hypercroissance du prix escompté sous une hypothèse parétienne que Walter a ouvert la boîte de Pandore d’un calcul de rabat non gaussien, voir Walter et Brian [2007c], p. 155.
Les figures figure 6.3 (ci-dessus), 6.4 (p. 152) et 6.6 (p. 155), ci-après sont des variantes des figures 8.1, 8.2 et 8.3 parues dans Brian et Walter [2007], p. 177–179. Leur commentaire est ici plus approfondi.
Voir Elster [1986] et Mele et Rawling [2004]; pour une étude des controverses que la théorie de l’action rationnelle a pu susciter, voir Wacquant et Calhoun [1989].
Barbut [2007].
Barbut [2007] pour l’exposé le plus synthétique à ce sujet.
Ce n’est pas non plus le but de Christian Walter, contrairement à ce que se sont contentés d’imaginer divers lecteurs de Walter et Brian [2007]. D’autres ont songé à une posture sceptique analogue à celle de Talcb, ce n’est pas le cas non plus, je m’en suis assez longuement expliqué ici.
Après la réception des travaux de Lévy [1924] au cours du xxe siècle, la distinction entre L0, L1 et L2 est de connaissance commune parmi les mathématiciens, qui, soit dit en passant, s’autorisent bien d’autres folies. Discutée dans le domaine des mathématiques financières, elle est malheureusement peu familière aux économistes, voire ignorée chez les spécialistes de sciences sociales.
Paul Lévy [1924] parlait à cet égard du domaine d’attraction de la loi de Gauss et qualifiait ce constat de «théorème fondamental», p. 60–61.
Pour une synthèse, voir Guesnerie [2005]. Sur le traitement du risque en économie, voir Pradier [2006].
Nous associons nous-mêmes le nom d’Adolphe Quetclet au succès de l’hypothèse laplacogausienne depuis le milieu du XIXe siècle et de la confusion entre la dispersion des erreurs et la dispersion de l’incertitude. À la décharge de l’astronome et statisticien belge, il faut préciser que, dans son souci de distinguer les bonnes des mauvaises moyennes, il a lui-même clairement conçu que si le calcul numérique était toujours possible, celui-ci n’en était toutefois pas fondé pour autant (l’arrière-plan de son raisonnement était la question du réalisme de la moyenne arithmétique, et non celle de la structure de l’inicertitude comme ici même). Ainsi, la mémoire scientifique de Quetelet n’a pas licu d’être réduite aux abus du quetelésisme: «En prenant une moyenne, on peut avoir en vue deux choses bien différentes: on peut chercher à déterminer un nombre qui exite véritablement; ou bien à calculer un nombre qui donne l’idée le plus rapprochée possible de plusieurs quantités différentes, experimant des choses homogènes, mais variables de grandeur […]. Cette distinction est si importante, que […] j’emploierai même des mots différents pour mieux l’établir: je réserverai le nom de moyenne pour le premier cas, et j’adopterai celui de moyenne arithmétique pour le second, afin de faire sentir qui’il s’agit ici d’une simple opération de calcul entre des quantités qui n’ont pas de relations essentielles. Ces relations ne s’aperçoivent pas toujours; et parfois on les reconnaît quand on ne s’attendait pas à en trouver: la moyenne arithmétique devient alors une véritable moyenne» (Quetelet [1846], p. 65–67.) Transposer de L2 à L1 cette reflexion, c’est souligner que le M EDAF/CAP M est un modèle (un homologue de la moyenne arithmétique au sens de Quetelet) et qu’il importe de distinguer entre le calcul, toujours possible, et son adéquation au phénomène.
Dans la première version du commentaire de ces figures, déjà signaléc et paruc dans Walter et Brian [2007a], la distinction entre probabilité subjective et probabilité du phénomène n’était pas clairement posée. Il fallait y revenir.
Il est certes possible de proposer un calcul analogue au MEDAF/CAPM sous l’hypothèse d’une distribution parétienne (ou α-stable), mais il est alors indispensable d’adapter les calculs à cette caracteréristique, voir Lévy-Véhel et Walter [2002], p. 155–169.
Cette conclusion était indiquéc dans Brian et Walter [2007], p. 180.
Greenspan [2009a]: «All the sophisticated mathematics and computer wizardry essentially rested on one central premise: that the enlightened self-interest of owners and managers of financial institutions would lead them to maintain a sufficient buffer against insolvency by actively monitoring their firms’ capital and risk positions. For generations, that premise appeared incontestable but, in the summer of 2007, it failed. It is clear that the levels of complexity to which market practitioners, at the height of their euphoria, carried risk-management techniques and risk-product design were too much for even the most sophisticated market players to handle prudently.»
Greenspan [2009b]: «A significant part of stock price dynamics is driven by the innate human propensity to swing intermittently between euphoria and fear.»
Il avait été repéré dès Walter et Brian [2007a], p. 180.
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Brian, É. (2009). Élargissement de la théorie de l’action rationnelle. In: Comment tremble la main invisible. Springer, Paris. https://doi.org/10.1007/978-2-287-99665-8_6
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