Abstrait
Avez-vous observé comment nous autres médecins, nous touchons les seins des femmes — ceux des patientes, s’entend? En médecine, toucher se dit palper. Le médecin ne touche pas les seins, il les palpe. Il y a le palper doux, rigoureux, appliqué, attentif. Il y a le palper timide, gêné, du bout des doigts; la main effleure, appuie à peine et le médecin s’excuse par avance — « Je ne vous fait pas mal?» Il y a le palper rapide, vite fait, mal fait: tchic-tchic ou pop-pop, « Ni vu ni connu — Le temps d’un sein nu — Entre deux chemises!» [1]. Il y a le palper distrait, le palper distant, le palper indifférent, le palper impatient, le palper fatigué. Il y a aussi le palper brutal, douloureux, à pleines mains, celui qui fait monter les larmes aux yeux des femmes aux seins sensibles. Il y a même le palper agressif, celui des misogynes qui s’ignorent. Il y a le palper inquiet, angoissant pour la femme palpée: long, minutieux, interminable; celui qui fait perler des gouttes sous les aisselles de la femme rendue inquiète. Il y le palper irrespectueux, vaguement rigolard, introduit par « Je peux les voir ces nénés?» Il y a le palper qui varie en fonction des femmes examinées — réservées, fières de leurs charmes, style ne me touchez pas, angoissées, corpulentes, chatouilleuses... Toutes sortes de mains de toutes sortes de médecins palpent toutes sortes de seins de toutes sortes de femmes.
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Références
Valéry P (1942) Charmes. Paris, Gallimard.
de Ronsard P (1555) Les Amours, II, Les Amours de Marie, 47.
Corbella J (25 décembre 1988). Què sap un home quan ha remenat cent mil pits, Diari de Barcelona.
Bayle P (1702) Dictionnaire critique.
Laennec R (1818) De l’auscultation médiate.
Flaubert G (1838) Mémoires d’un fou.
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