Zusammenfassung
On dit parfois que la façon dont on comprend le temps dépend de l’homme qu’on est ou de la philosophie qu’on a. Peut-être serait-il tout aussi légitime d’inverser cette proposition sans qu’elle en soit moins vraie. Quoi qu’il en soit, nombre de philosophes inclinent à considérer le temps comme la marque eminente de la finitude humaine. S’il a la certitude ou l’illusion de pouvoir disposer de l’espace, qu’il s’applique à organiser à sa guise, l’homme, en revanche, ressent obscurément que le temps n’est pas vraiment en son pouvoir, qu’il est plutôt la marque de son “impouvoir”, en un mot, il éprouve une radicale impuissance devant le temps qui passe, qui lui échappe et lui coule pour ainsi dire entre les doigts telles des gouttes d’eau qu’il aurait voulu recueillir et tenir dans sa main: il fait l’expérience pénible qu’il ne dispose pas en toute souveraineté du temps qu’il nomme pourtant “son temps”, qu’il mesure comme il mesure l’espace, il sait qu’il n’en est ni l’auteur ni le maître. A l’approche de la mort qu’il redoute ou qu’il fuit dans le divertissement, il n’ignore point que le temps lui est compté même si, auparavant, il croyait toujours encore avoir le temps pour mieux faire, pour s’amender ou jouir des biens de ce monde, pour accomplir les exploits ]qu’il n’a pas eu l’audace d’entreprendre jusque là. Il appréhende avec angoisse la proximité de la vieillesse et il se lamente devant l’inexorable fuite du temps, sa fragilité et son caractère éphémère. Si l’homme se voit ainsi déterminé par ce qui le limite et le conditionne, rien d’étonnant à ce que les philosophes, depuis Kant à tout le moins sinon déjà depuis Aristote, aient cru pouvoir définir la subjectivité humaine en son essence par la temporalité: le temps est le sens de la vie ou de l’existence, affirment-ils, poète comme philosophe.1
Jedes einzelne Erlebnis kann, wie anfangen, so enden und damit seine Dauer abschliessen … Aber der Erlebnisstrom kann nicht anfangen und enden.
E. Husserl, Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie, I.
Das Zeitliche gilt doch gemeinhin als das Endliche. M. Heidegger, Kant und das Problem der Metaphysik.
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Notes
Cf. P. Claudel: “Le temps est le sens de la vie”. Art Poétique et M. Heidegger: “Der Sinn des Daseins ist die Zeitlichkeit”. Sein und Zeit (cité plus loin sous le sigle: SZ), p. 331.
E. Husserl, Vorlesungen zur Phänomenologie des inneren Zeitbewusstseins, éd. par M. Heidegger, Halle, 1928, trad. fr. par H. Dussort sous le titre LeÇons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, préface de G. Granel, Paris, 1964. Nous citerons plus loin: Zbw.
SZ,§65,p. 331sq.
SZ, passim, surtout p. 331 sq.
Ideen I, p. 162-3, tr.fr. p. 274-5.
Zbw. Introduction, p. 368, tr. fr. p. 3 et P. Ricoeur, Temps et récit, I, Avant-propos et ch. I (consacré à un commentaire du livre XI des Confessions). Husserl reconnaît à saint Augustin le mérite d’avoir été le premier à ressentir les immenses difficultés que recèle le problème de la conscience du temps; il constate aussi qu’en la matière l’époque moderne n’a rien produit de mieux. Quant à Heidegger, s’il se réfère plus volontiers à Platon et surtout à Aristote et à Kant, il n’oublie pas saint Augustin. Cf. Grundprobleme der Phänomenologie, in Gesamtausgabe, tome 24, p. 325.
La phénoménologie du temps, comme saint Augustin, inaugure sa réflexion sur le temps sous l’égide d’une question ontologique. Cf. E. Husserl, Zbw. p. 368, tr. fr. p. 3-4.
“Dès que nous cherchons … à rendre raison de la conscience du temps, à mettre correctement en rapport le temps objectif et la conscience subjective du temps … nous nous perdons ans les difficultés, les contradictions, les labyrinthes les plus étranges”. Id. ibid.
Kant und das Problem der Metaphysik (cité plus loin KPM), p. 207, tr. fr. p. 285, et aussi SZ, p. 325 sq.
Zbw., p. 399 et 424, tr. fr. p. 56 et 89.
SZ, §81, surtout p. 423 sq.
Cf. M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p. 476 et E. Husserl, Zbw., p. 391, tr. fr. p. 46. Husserl y parle du “originäre Zeitfeld”.
Cf. J. Derrida, La voix et le phénomène, p. 69 sq. et M. Heidegger, Was ist Metaphysik?, p. 34, tr. fr. in Questions I, p. 66.
Pour cette interprétation, cf. par ex. G. Granel, Le sens du Temps et de la Perception chez E. Husserl, p. 70 sq.
Id. ibid., p. 84.
E. Husserl, Ideen I, p. 163, tr. fr. p. 275.
Sur la “Ganzheitsstruktur” du Dasein selon Heidegger, cf. SZ, §61, p. 301 sq. Sur le temps infini chez Husserl, cf. Zbw., §4, p. 377, tr. fr. p. 23.
Cf. SZ, §81, p. 420 sq., surtout p. 421 et aussi p. 330—1.
SZ,p.423.
SZ,p.426.
SZ,p.427.
SZ,p.424.
Pour toute cette analyse, cf. SZ, §65 et 66, p. 325 sq.
Les LeÇons de 1905 ne consacrent qu’un seul paragraphe à la notion capitale pourtant de la “protention”.
G. Granel, op. cit., p. 94.
E. Husserl, Ideen I, p. 163, tr. fr. p. 275.
Zbw., Introduction, p. 368, tr. fr. p. 4.
Ideen I, §81 à 83, surtout p. 161 sq., tr. fr. p. 272 sq.
Id. ibid., p. 163, tr.fr. p. 275.
Id. ibid.
Id. ibid., §83, p. 166, tr. fr. p. 276 sq.
Id. ibid.
Id. ibid., p. 164, tr.fr. p. 276 sq.
Id. ibid., §82 et Zbw., passim.
Zbw. p. 451, tr.fr. p. 131.
Zbw., § 13, p. 271 sq., tr. fr. p. 15 9 sq.
Zbw. Suppl. IX, surtout p. 471—2, tr. fr. p. 159.
Id. ibid.
Ideen I, p. 147, tr. fr. p. 248 et Zbw. §26, p. 413 sq.
Zbw. p. 414, tr.fr. p. 76.
Cf.Erfahrungu. Urteil,p.34et Cartesianische Meditationen,p. 141.
Ideen I, p. 164, tr. fr. p. 277.
Zbw. §18, p. 402, tr.fr. p. 59.
Ibid., §38.
Zbw. §16, p. 424 sq., tr. fr. p. 56 sq.
Id. ibid.
Manuscrits C III, p. 24, cité par G. Brand, Welt, Ich und Zeit, p. 76.
Cf. Studien z. Phänomenologie 1930—39, p. 23 sq.
Manuscrits C 17 I, p. 44, cité par G. Brand, op. cit., p. 87. 50 E. Husserl, Erste Philosophie II, p. 45 sq. et G. Granel, op. cit. p. 192.
E. Husserl, Recherches logiques III (cité plus loin RL), Vlème Recherche, ch. III et V, et aussi Ideen I, §24, p. 43 sq. tr. fr. p. 78, et Formale und transzendentale Logik, §§59 et 60 et 107.
RL, III, §16 et 24, et Ideen 1, p. 74 et 83, tr. fr. p. 132 et 144.
Cf. FTL, Appendice II et § 107.
Op. cit., tome II, p. 45 sq. et 383, tr. fr. p. 62 sq., cf. aussi p. 392.
Op. cit., p. 380.
E. Husserl, Erste Philosophie II, p. 386—7. On y lit: “A priori ist Welt nur erfahrbar von “endlichen Wesen”, ihre Endlichkeit ist es, dass sie im wesensmässig begrenzten Jetzt Welt erfahren, Unendliches im Endlichen. Das Unendliche ist a priori nur präsumierbar, a priori nur seiend als eine im Stil endlicher einstimmiger Erfahrung intentional beschlossene Idee, beschlossen im offenen Und-so-weiter”.
Zbw. §24 et 25.
Manuscr. C 2III.
Zbw. Suppl. III.
Zbw. §24 et 25, p. 412 sq., tr. fr. p. 74 sq.
Zbw.p.412,tr.fr.p. 74.
Manuscr.C 17 I, p.42.
Zbw. §31, p. 423 sq., tr. fr. p. 88 sq.
Op. cit., p. 484-5.
Zbw. §38 et surtout p. 432, tr. fr. p. 102 sq.
SZ,p. 369 et 417 sq.
Zbw. §38 et Suppl. VII, surtout p. 432 sq., tr. fr. p. 103 sq.
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Kelkel, A.L. (1986). Temps Et Finitude Chez Husserl. In: Tymieniecka, AT. (eds) The Phenomenology of man and of the Human Condition. The Yearbook of Phenomenological Research, vol 21. Springer, Dordrecht. https://doi.org/10.1007/978-94-009-4596-8_12
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