Résumé
Si les chapitres précédents ont permis de saisir l’importance des aspects proprement aléatoires à l’œuvre dès que l’on considère le degré de régularité des phénomènes financiers, il reste à cerner ce que l’on peut attendre de nou-velles normes en la matière et, par suite, à formuler les recommandations que suggère la confrontation des différentes approches mobilisées tout au long de cet ouvrage. Dans ce chapitre, il s’agit de cerner en quoi l’adoption de normes peut répondre à la logique effectivement stochastique des phénomènes qu’elles sont supposées encadrer. Pour aller plus loin, il importe d’adopter un point de vue à la fois sociologique et épistémologique qui permet de saisir d’un même coup d’oeil les aspects institutionnels, ceux propres aux calculs et les facteurs moraux et cognitifs qui vont de pair.
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Reference
La question des normes sociales est l’une des plus discutées en sociologie générale. Cet article livre quelques points de repère qu’il est facile de rattacher à des travaux associés aux noms d’Émile Durkheim, Max Weber, Marcel Mauss, Maurice Halbwachs ou Pierre Bourdieu. Pour un approfondissement, voir Brian [2009].
L’étude de la formation des critères de qualité des produits est un domaine important du renouvellement actuel de l’histoire économique, voir Margairaz et Minard [2006].
Ni même instaurée en divinité absolue face à laquelle nous serions impuissants comme le laisse penser Taleb [2005] et [2008]. Pour une critique, voir Brian [2009, p. 4–7].
Pour une esquisse de l’histoire de ce calcul, voir Brian [2009, p. 7–13].
L’ouvrage de référence est ici MacKenzie, Muniesa et Siu [2007]. Voir à ce sujet l’article de Callon [2007] et la discusion synthétique de Muniesa et Callon [2008/2009], parue dans Steiner et Vatin [2009].
Muniesa et Callon [2008/2009].
Voir par exemple, sur ce sujet délicat, les indications d’Encrevé [2003].
Steiner et Vatin [2010].
L’ouvrage de référence est ici Latour [1995]. Les travaux de Callon s’inscrivent dans cette lignée.
Sur cette question et ses enjeux, voir Brian [1998] et [2002], Bourdieu [2001], Shinn et Ragouet [2005] et encore récemment Gingras [2010].
Par exemple la théorie des prophéties autoréalisatrices, Azariadis [1981], ou celle du mimétisme, Orléan [1986]. Pour ce qui touche à la valeur fondamentale, voir Orléan [2008].
C’est l’objet de Brian [2009].
Cette illusion de puissance induite par le seul recul que procure l’objectivation est une sorte d’aberration épistémique. Elle alimente des conceptions théoriques très diverses, prométhéennes, libérales ou, en creux, fatalistes. C’est là une discussion très classique qui nous entraînerait hors de notre propos. Sur les enjeux actuels de ces difficultés dans un autre domaine, celui de l’histoire sociale des populations, voir Rosental [2006].
Nous reprenons dans la suite divers résultats publiés Brian [2009]. Ce livre pose le cadre théorique. Le présent article en est une application à la question des effets sociaux des normes appréciés dans une perspective historique longue.
Brian [2009, p. 91–96].
Sur les formes du recours aux calculs dans le monde des traders actuels, voir Godechot [2001] et [2007].
Brian [2009, p. 46–51].
L’expression « réglage social » désigne ici non pas seulement la régulation économique au sens où les économistes ont coutume de la discuter, mais encore l’ensemble des registres (textes, normes, institutions, usages) qui d’un point de vue sociologique contribuent à régler les échanges économiques.
Mandelbrot [1997], Lévy-Véhel et Walter [2002], Walter [2002b].
Sur l’histoire de cette forme de raisonnement statistique et sa diffusion au XIXe siècle, voir par exemple Porter [1986] et [2001], et Brian et Jaisson [2007].
Sur l’expérience financière du XVIIIe siècle, voir Gallais-Hamono et Berthon [2008]; sur celle du XIXe siècle, voir Gallais-Hamono et Hautcceur [2007] et Arbulu [2008].
Pour un exposé plus systématique, voir Brian [2009, p. 161–177].
On a vu au chapitre 3 que les mathématiciens en finance utilisent parfois un changement de variable temporelle qui combine la nécessité technique de recourir à des mouvements browniens et l’intensité du rythme des transactions (on parle alors de subordination des temps dans le traitement des processus stochastiques). Le temps artefactuel ainsi construit est interprété en termes de « temps des transactions »-voire de « temps social ». Mais le temps séquentiel inscrit dans l’enregistrement des transactions, celui que nous proposons d’utiliser ici de manière ergodique, n’est pas le résultat d’un tel artifice de calcul. Si on considère ce temps séquentiel comme social (i.e. comme un fait social au sens de la sociologie durkheimienne), on admet une épistémologie réaliste pour laquelle les opérations statistiques d’enregistrement sont des formes concrètes de cadre social temporel propre aux échanges boursiers. C’est mon hypothèse. Mais considérer le temps subordonné du mathématicien financier comme social, à proprement parler, demande d’expliquer comment cet artefact de calcul se trouverait être le cadre temporel effectif de la transaction. C’est tout à fait périlleux du point de vue du réalisme épistémologique en sociologie ... En tous cas, ce n’est pas la voie que je propose. Pour une plus ample discussion, voir Brian [2009, chap. 5]. Au demeurant, pour aller dans la suite de ma proposition au delà des calculs ergodiques et éviter le recours à la subordination, rien n’interdit de construire des processus stochastiques sur des référentiels de temps séquentiels offert par l’enregistrement ...
Voir l’annexe, ci-après.
Arbulu [2008]; Riva [2007]. L’un et l’autre ont bien voulu me procurer ces bases de données qui ont demandé des collectes laborieuses, c’est l’occasion de les en remercier vivement.
Indice de marché: indice Arbulu, calculé sur la base de 172 titres français (Arbulu [2008]). Le temps séquentiel est compté en produit cumulé de l’imp ôt du Timbre sur les transactions (Riva). Pour des raisons de robustesse statistique des estimations, on a écarté dans chacun des deux référentiels les périodes qui ont enregistré les effets immédiats de la révolution de 1848.
M êmes sources que pour la période 1819-1859. De décembre 1864 à avril 1865, puis de mai 1887 à octobre 1888, les indices ne sont pas disponibles.
Indice de marché: Dow Jones Industrial Average du 2 janvier 1930 au 30 décembre 1960.
Indice de marché: Dow Jones Industrial Average du 3 janvier 1961 au 29 décembre 1972.
Indice de marché: Dow Jones Industrial Average du 2 janvier 1973 au 31 décembre 2003. Pour les m êmes raisons de robustesse que précédemment, on a écarté dans chacun des trois référentiels considérés la période de plus grand écart enregistrée à la mi-octobre 1987 qui marque un effondrement boursier bien connu. Les écarts observés autour du 11 septembre 2001 n’apparaissent pas exceptionnels dans ces séries.
Indice de marché: Dow Jones Industrial Average du 5 janvier 2004 au 27 avril 2009. Les écarts observés pendant les années 2007-2008 n’apparaissent pas exceptionnels dans ces séries.
Pour les calculs sur Paris, voir Brian [2009, p. 168–169].
Cet exemple typique a été formulé au cours d’une discussion avec Christian Walter.
C’est pourquoi nous sommes tentés de recommander l’emploi systématique du temps séquentiel i dans les calculs de risques financiers, procédé qu’on peut mettre en œuvre en tirant avantage de la structure elle-même séquentielle des bases de données.
Il est clair qu’un examen d’autres places boursières, ou d’autres indices à d’autres échelles de temps, permettrait d’affiner ce premier résultat.
Que la théorie strictement mathématique des probabilités ait eu à passer par le calcul laplaco-gaussien pour en arriver au XXe siècle à se débarasser de cette hypothèse est un fait historique remarquable qu’il n’est pas question de discuter ici. On pourra consulter à ce sujet Brian [1994] et Brian et Jaisson [2007].
Il est vrai qu’il s’est trouvé des auteurs pour proposer des modèles dérivés du CAPM pour des variables non gaussienne. Cette discussion n’est pas utile ici car ces adaptations ne sont pas d’usage général.
Dans ce cadre d’analyse, la crise de 1929 n’est bien sûr pas une crise financière, mais une crise économique qui se concrétise dans les mouvements de la Bourse.
De nombreux exemples de la mise en œuvre de telles hypothèses ont été données dans les chapitres précédents.
Qu’on puisse objectiver des phénomènes dont il n’est pas évident qu’on puisse en mesurer pertinemment la variance ou la moyenne est sans doute chose difficile à concevoir depuis les ponts-aux-ânes sur la mesure des phénomènes économiques et sociaux. Mais il n’y a là rien qui doive faire renoncer ni le mathématicien, ni le sociologue, ni encore l’espitémologue. Voir Brian [2009]; voir aussi, quant aux mathématiques de la mesure des inégalités, Barbut [2007].
La formule apparaît dans Condorcet [1793-1794/2004, p. 469].
Entendre: « grands détenteurs de capitaux financiers ».
Condorcet [1793/An III/2004, p. 437–438]. Les italiques sont n ôtres.
Et d’une manière générale, des distributions de probabilité deux fois intégrables-l’ensemble des variables aléatoires L 2(Ω,A, P) pour l’écrire de manière mathématique-dont on sait depuis Paul Lévy que l’on peut les rattacher rigoureusement aux gaussiennes.
Le principe de ce calcul est exposé dans Brian [2009, p. 97–127 et 161-77].
On pourra consulter des résultats plus détaillés en annexe de l’ouvrage cité.
Mention à préciser pour les références à cet article: Éric Brian, « Aléas, normes sociales et limites de la performativité », dans Nouvelles normes financières. S’organiser face à la crise (sous la dir. de Christian Walter). Paris, Springer, 2010, p. 191–219.
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Brian, E. (2010). Aléas, normes sociales et limites de la performativité. In: Nouvelles normes financières. Springer, Paris. https://doi.org/10.1007/978-2-8178-0070-7_10
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