Abstract
Ce texte se penche sur les représentations romanesques des marginauxde notre temps : les sans domicile fixe. Ces personnages apparaissent trèsfréquemment dans le roman urbain contemporain, mis en scènesur deux modes différents : en tant que personnages principaux dontle texte retrace le parcours et en tant que personnages anonymes faisant partieintégrante du paysage urbain. On cite ici à titre d'exemplesdes romans de J.-C. Izzo, M. Lindon et J. Echenoz pour le premier cas, ainsi que les textes d'A. Ernaux pour le second. Ces représentations des SDF dans les romans urbains sont intéressantes dans la mesure oùelles fournissent aux auteurs une occasion privilégiée d'exercer une critique sociale visant d'une part l'émergence d'une importantepauvreté urbaine au sein de la société de consummation et, d'autre part, l'indifférence générale que suscite ce phénomène. Dans la plupart des textes, un véritablefossé social se creuse entre les marginaux et les autres personnages, ce qui explique en partie pourquoi les rencontres entre ces deux groupes de personnages restent anonymes ou se font uniquement à l'intermédiairedes médias. Un fossé pareil sépare souvent la vie antérieureet la vie actuelle du męme personnage devenu SDF. Le parcours de ces personnages peuvent présenter plus ou moins d'individualité,les raisons les plus couramment évoquées témoignent cependant toujours d'une sorte d'incapacité des personnages à se plieraux contraintes de la société, d'une sensibilité ou d'un moral plus marqués qui les empęchent de faire un compromis afin de réussir à s'intégrer. Il s'agit là d'une stratégiedont les auteurs se servent pour mettre le lecteur du côté des personnages échoués et du męme coup contre la sociétédont le mauvais fonctionnement provoque leur déclassement. On faitégalement l'inventaire des sujets les plus fréquemment évoqués àpropos des clochards : la perte progressive de la sexualité dont l'aspect purificateur peut être plus ou moins accentué, l'habitat des personnages SDF, les objets personnels et leur rôle modifié par rapport l'usage courant dans la société occidentale, etc. Ence qui concerne le mode de vie des SDF représentés dans les romans, deux modèles dominants se font contraste : la vie en communautémenée dans les grandes villes (il s'agit d'une sociétéparallèle qui coexiste avec la société normale), et lavie solitaire menée à la campagne. Cette dernière représenteune forme de refus de la vie urbaine, un thème nostalgique en voiede disparition dans la littérature contemporaine. A travers les différentestechniques de survie mises en scène dans les textes, les romanciers focalisent l'attention du lecteur sur l'indifférence généralequi se manifeste aussi bien au niveau collectif (administratif) qu'au niveau individuel. Le fait que la solidarité soit toujours montréecomme réaction individuelle et plutôt exceptionnelle contribue àla dénonciation de l'irresponsabilité sociale.
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HorváthZentai, K. Le personnage SDF comme lieu d'investissement sociologique dansle roman français contemporain. Neohelicon 28, 251–268 (2001). https://doi.org/10.1023/A:1013810928947
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DOI: https://doi.org/10.1023/A:1013810928947