La pathologie thyroïdienne reste fréquente dans notre pays, le Maroc, du fait de la carence iodée des habitants de certaines régions.1,2 Cette pathologie est associée à un risque d’intubation trachéale difficile à cause des modifications anatomiques des voies aériennes supérieures qu’elle entraîne. En effet la présence de signes de compression ou de déviation trachéale par la présence d’un goitre est un facteur prédictif de difficulté d’intubation.3 D’autres facteurs prédictifs de cette difficulté ont été relevés.4 L’incidence de cette difficulté reste variable selon différentes études.5,6 Par contre peu d’études se sont intéressées à proposer des solutions pour la prise en charge de cette difficulté.

L’utilité des laryngoscopes indirects en cas d’intubation difficile a été démontrée dans plusieurs études.7-10 Dans notre centre nous disposons de deux laryngoscopes indirects: le vidéolaryngoscope X-LiteTM (Rush, Tuttlingen, Allemagne) et le laryngoscope l’Airtraq® (Prodol Meditec S.A., Vizcaya, Espagne) (Figure). Le X-Lite est un dispositif muni d’une micro-caméra magnétique à haute résolution intégrée à une lame semblable à celle de Macintosh, qui permet une meilleure vision glottique par rapport à la laryngoscopie standard.11-13 L’Airtraq est un dispositif récent à usage unique, doté d’une lame avec une courbure exagérée à deux chenaux, l’un ouvert dans lequel glisse le tube trachéal et l’autre contenant un système de lentilles optiques pour la visualisation glottique. Par rapport au laryngoscope standard, l’Airtraq offre plusieurs avantages: une meilleure visualisation glottique sans nécessité d’alignement des axes pharyngé, laryngé et oral; moins de force sur la langue et la mandibule; moins de traumatisme; une meilleure réponse hémodynamique pendant la laryngoscopie; et une réduction de la durée de l’intubation.14,15 Ces caractéristiques en font un outil de choix pour l’intubation trachéale difficile.16 En chirurgie programmée de la thyroïde, l’apport de ces laryngoscopes indirects reste peu documenté. Nous avons donc mené une étude prospective dont l’objectif était de comparer les performances de l’Airtraq et du X-Lite par rapport au laryngoscope standard dans l’intubation trachéale pour la chirurgie de la thyroïde.

Figure
figure 1

Dispositifs utilisés dans l’étude: le laryngoscope Airtraq® (Prodol Meditec S.A., Vizcaya, Espagne); le vidéolaryngoscope X-Lite™ (Rush, Tuttlingen, Allemagne); le laryngoscope standard avec lame de Macintosh

Méthodes

Après l’approbation du comité d’éthique et de recherche scientifique local de l’Hôpital Militaire Med V de Rabat et le consentement éclairé et écrit des patients, nous avons réalisé une étude prospective randomisée au bloc opératoire de l’Hôpital Militaire Med V de Rabat. De février 2011 à mars 2012, ont été inclus les patients plus de 18 ans classés I et II selon le barème de l’American Society of Anesthesiologists (ASA) et subissant une chirurgie programmée de la thyroïde. Les patients présentant des antécédents d’intubation difficile, une distance interdentaire limite, une mobilité cervicale limite, une distance thyro-mentonnière limite ou une classe de Mallampati IV ont été exclus de l’étude. De même, ceux nécessitant une induction à séquence rapide (reflux gastro-oesophagien, hernie hiatale, gastroparésie diabétique, obésité morbide), ceux avec une allergie connue (curares, œufs, latex) ont été eux aussi exclus de l’étude. La classe de Mallampati17 a été évaluée chez les patients en position assise, avec un regard à l’horizontal sans phonation. La distance interdentaire a été classifiée en trois catégories: bonne (> 40 mm), acceptable (35-40 mm) et limite (< 35 mm). La distance thyro-mentonnière a aussi été classifiée en trois catégories: bonne (> 65 mm), acceptable (60-65 mm) et limite (< 60 mm).18 La mobilité du rachis cervical a été évaluée selon trois grades: bonne mobilité (plus de 90°), mobilité acceptable (entre 80°et 90°) et mobilité limite (inférieure à 80°).19 Les caractéristiques du goitre (compression, taille, déviation, plongement) ont été notées. Les signes de compression ont été recherchés (dyspnée, dysphonie, dysphagie, modification de la voix). La taille du goitre a été mesurée sur la ligne médiane, avec la tête en hyperextension, avant l’induction de l’anesthésie. Une déviation de la trachée par rapport à la ligne médiane de plus d’un centimètre sur la radiographie pulmonaire était notée, tout comme l’était une compression trachéale, définie par une réduction de la lumière trachéale de plus de 30 %. Un goitre était considéré comme plongeant s’il était impossible de palper son pole inférieur à travers la fourchette sternale, avec la tête en hyperextension. La difficulté de ventilation au masque a été classée en cinq grades: grade 1: facile sans aucun recours; grade 2: facile avec la mise en place d’une canule; grade 3: possible avec changements fréquents de position; grade 4: possible uniquement avec deux opérateurs; grade 5: impossible. En cas de grade 5, le protocole prévoyait l’utilisation d’un masque laryngé simple ou le recours à une technique d’oxygénation trans-trachéale.20

Technique anesthésie et intubation

Les patients inclus ont été randomisés, selon le dispositif utilisé pour l’intubation, en trois groupes: le groupe Airtraq (laryngoscope Airtraq AL®; Prodol Meditec S.A., Vizcaya, Espagne), le groupe X-Lite (vidéolaryngoscope X-LiteTM; Rusch, Tuttlingen, Allemagne); et le groupe standard (laryngoscopie directe avec une lame de Macintosh n°3) (Figure). La séquence de randomisation a été fournie par ordinateur et les résultats ont été cachés dans des enveloppes scellées.

De l’hydroxyzine 1 mg·kg−1 était administrée la veille au soir et le matin de l’intervention comme prémédication. En salle d’opération, les moniteurs de fréquence cardiaque, de pression non invasive et de saturation en oxygène étaient installés, puis l’opérateur ouvrait l’enveloppe de la randomisation et préparait le dispositif indiqué. Après une préoxygénation de trois minutes, l’anesthésie générale était induite par du propofol 3 mg·kg−1, du fentanyl 3 μg·kg−1 et du cisatracurium 0,15 mg·kg−1. Une fois le bloc neuromusculaire complet obtenu, l’intubation s’effectuait avec la tête du patient en hyperextension dans les groupes standard et X-Lite et en position neutre dans le groupe Airtraq. Les trois opérateurs désignés avaient chacun une expérience de plus de 500 intubations avec le laryngoscope standard, d’au moins 25 intubations avec l’Airtraq et de plus de 60 tentatives avec le X-Lite. Des sondes armées étaient utilisées (6,5 à 7 mm pour les femmes, 7,5 à 8 mm pour les hommes), lubrifiées et sans mandrin.

La technique habituelle d’intubation était suivie dans le groupe standard. Pour le groupe X-Lite, la technique était pareille à celle du groupe standard, sauf que la manœuvre était visualisée à l’écran. Dans le groupe Airtraq, la sonde d’intubation était montée sur le chenal latéral de l’Airtraq sans que le bout de la sonde dépasse l’extrémité distale de la lame. Ensuite, l’Airtraq était introduit dans la bouche du patient avec la concavité dirigée vers l’avant. En cas de résistance à la progression vers l’épiglotte, des petits mouvements de glissement parallèles à la langue ou de rotation autour de la langue étaient effectués. L’insertion de la sonde dans la trachée était réalisée avec la glotte située au centre de la vision optique et l’échancrure interaryténoïdienne en dessous.21 Après intubation, l’opérateur écartait le tube d’intubation latéralement, en le maintenant dans sa position trachéale et retirait l’Airtraq. En cas de mauvaise visualisation (grades de Cormack et Lehane III, IV), les manœuvres laryngées externes étaient utilisées. Un guide d’Eschmann était utilisé en cas de persistance du score Cormack et Lehane à III ou IV malgré les manœuvres laryngées externes.

Recueil des données

Le critère de jugement principal était le temps global d’intubation, défini comme la somme du temps de la visualisation glottique et du temps d’intubation trachéale; le temps de visualisation glottique était l’intervalle entre l’insertion de la lame du laryngoscope dans la bouche du malade jusqu’à l’obtention de la meilleure visualisation glottique et le temps d’intubation trachéale allait de la visualisation glottique à l’obtention de la courbe de capnographie. Tous les temps ont été mesurés par un opérateur indépendant. La tentative d’intubation était abandonnée au bout de 120 sec ou avant si la saturation en oxygène devenait inférieure à 92 %. Le nombre maximal de tentatives a été fixé à trois; en cas d’échec dans le groupe standard, le protocole prévoyait le recours au X-Lite ou à l’Airtraq; dans les deux autres groupes, l’outil de secours était l’autre laryngoscope indirect. Le nombre de tentatives avec le second dispositif était fixé à deux. En cas de nouvel échec, les poumons étaient ventilés avec ou sans masque laryngé jusqu’au réveil du patient avec programmation d’une intubation ultérieure sous fibroscopie.20

Outre le temps d’intubation, les autres critères notés étaient: le nombre de tentatives, les scores de Cormack et Lehane,22 la difficulté d’intubation, ainsi que les variations de fréquence cardiaque, de tension artérielle moyenne et de saturation. La difficulté d’intubation était évaluée en se servant de l’Intubation Difficulty Scale (IDS),23 basée sur sept items, et par une échelle visuelle analogique (0: facilité maximale, 10: difficulté maximale) exprimée par les opérateurs après l’intubation. L’IDS était ensuite classée en trois grades: facile (score = 0), difficulté légère (score de 1 à 5) et difficulté modérée ou importante (score > 5). La fréquence cardiaque et tension artérielle moyenne étaitent mesurées avant l’induction, 30 sec avant l’intubation, puis un, deux, trois et cinq minutes après l’intubation par un opérateur indépendant. La saturation en oxygène était mesurée de façon continue. Durant l’étude, toute complication des voies aériennes supérieures, par exemple traumatisme dentaire, laryngé ou saignement oropharyngé, a été notée. On a aussi recherché des traces de sang après le retrait du dispositif d’intubation.

Statistiques

Dans une étude précédente, une différence de dix secondes (écart type 5 sec) pour le temps d’intubation entre les groupes était considérée comme significative.12 En se basant sur cette étude nous avons considéré qu’une réduction du temps d’intubation de 33 % était importante. Pour montrer cette différence avec une erreur (α) à 5 % et une puissance (β) à 80 %, le nombre de patients à inclure a été estimé à 31 par groupe. Pour tenir compte des exclusions possibles pendant l’étude, nous avons décidé d’inclure 35 patients par groupe. L’analyse statistique a été faite par le logiciel SPSS pour Windows, version 13 (SPSS, Inc, Chicago, IL, USA). L’approche analytique utilisée a été de type intention de traiter. Les variables qualitatives ont été analysées par le test Chi carré et les variables quantitatives par le test ANOVA à un facteur ou ANOVA à mesure répétés pour les mesures répétées. En cas de significativité, l’analyse post-hoc a été faite par le test de Bonferroni pour les variables quantitatives et par le test de Chi2, avec des comparaisons deux à deux, avec une correction de Bonferroni pour les variables qualitatives. Une valeur P < 0,05 a été retenue comme valeur significative.

Résultats

Durant 14 mois, 116 patients ont été invités à participer à l’étude. Il n’y a eu aucun refus. Onze patients ont été exclus, dont deux pour antécédent d’intubation difficile et neuf pour distance interdentaire limite. Ainsi, 105 sujets ont été inclus, à raison de 35 patients par groupe. Les caractéristiques démographiques des patients et de leurs pathologies sont représentées dans les tableaux 1 et 2. Les critères d’intubation, de ventilation et les scores de difficulté de ventilation au masque étaient comparables entre les trois groupes (Tableau 3).

Tableau 1 Caractéristiques des patients
Tableau 2 Caractéristiques des pathologies
Tableau 3 Critères d’intubation

Conditions d’intubation

Le temps global d’intubation trachéale a été plus court avec l’Airtraq qu’avec le X-Lite (P < 0,001) ou le laryngoscope standard (P < 0,001) (Tableau 4). Le X-Lite a permis lui aussi un temps global d’intubation plus court que le laryngoscope standard (P < 0,001). L’Airtraq a permis une meilleure vision glottique que le laryngoscope standard (P = 0,003). Par contre aucune différence significative n’a été notée entre l’Airtraq et le X-Lite (P = 0,12) d’une part et entre le X-Lite et laryngoscope standard (P = 0,12) d’autre part. Le nombre de tentatives d’intubation a suivi la même tendance que la vision glottique, avec moins de tentatives dans le groupe Airtraq que dans le groupe standard (P < 0,001) et aucune différence significative entre le X-Lite et le laryngoscope standard d’une part (P = 0,12) et entre l’Airtraq et le X-Lite d’autre part (P = 0,12). Un seul échec a été noté: un patient avec un score Cormack et Lehane IV dans le groupe standard a été intubé à l’aide du Airtraq après trois tentatives avec le laryngoscope standard.

Tableau 4 Conditions d’intubation

Le score de difficulté d’intubation était plus faible dans le groupe Airtraq que dans le groupe X-Lite (P = 0,003), ou le groupe standard (P < 0,001). Les opérateurs ont jugé l’intubation plus difficile d’après l’échelle visuelle analogique avec le laryngoscope standard qu’avec le X-Lite (P = 0,049) ou l’Airtraq (P < 0,001). Les conditions d’intubation étaient aussi plus difficiles avec le X-lite qu’avec l’Airtraq (P = 0,039). Une corrélation positive entre la difficulté selon l’échelle de difficulté d’intubation et selon l’échelle visuelle analogique a été notée (r = + 0,891, P < 0,001).

Effets hémodynamiques

Les patients dans les groupes X-Lite et standard ont présenté plus de variations hémodynamiques (fréquence cardiaque et pression artérielle moyenne) que ceux du groupe Airtraq (P = 0,001 pour les deux variables ANOVA pour mesures répétées). Les données ont été recueillies pendant cinq minutes et les variations étaient les plus prononcées à une minute. Une saturation en oxygène < 92 % a été notée chez trois patients du groupe Airtraq, cinq du groupe X-Lite et 11 du groupe standard. Après l’intubation, on a noté la présence de sang sur la lame du dispositif dans quatre cas du groupe Airtraq, deux du groupe X-Lite et sept du groupe standard (P = 0,18). Aucun traumatisme dentaire ou laryngé n’a été noté durant l’étude.

Discussion

Cette étude démontre qu’en chirurgie programmée de la thyroïde, l’Airtraq et le X-Lite permettent de meilleures conditions d’intubation que le laryngoscope standard en termes de durée et de difficulté d’intubation. Seul l’Airtraq permet de réduire les effets hémodynamiques.

Dans les intubations faciles, l’intérêt des laryngoscopes indirects paraît limité par rapport à la laryngoscopie standard ou directe, si ce n’est en matière d’apprentissage et d’enseignement. Par contre les layngoscopes indirects ont montré leur supériorité dans les intubations difficiles, comme ici en chirurgie de la thyroïde, où l’on peut justifier leur utilisation d’emblée. Dans notre centre, nous disposons de deux laryngoscopes indirects (X-Lite et Airtraq), ces derniers servant comme des dispositifs de secours dans les intubations difficiles imprévisibles.

La supériorité de la vidéolaryngoscopie dans la facilité d’intubation par rapport au laryngoscope standard a été déjà démontrée.24,25 Cette performance est peut-être due à une meilleure visualisation glottique dans le cas du X-Lite.11 Dans une étude, on a comparé la visualisation glottique sur l’écran du X-Lite à la visualisation glottique directe (en cachant l’écran du X-Lite) chez des patients avec une obésité morbide. Les auteurs ont démontré une meilleure visualisation glottique sur l’écran, avec amélioration des conditions d’intubation, par rapport à la visualisation glottique directe.11 Ceci peut être expliqué par la haute résolution de l’image transmise sur l’écran.

La plupart des études sur les vidéolaryngoscope portent sur le GlideScope. Une méta-analyse montre que ce dispositif permet une meilleure vision glottique, surtout dans les intubations difficiles, augmente le taux de succès de la première tentative chez les novices et réduit le temps d’intubation chez les praticiens expérimentés.26 L’Airtraq est un nouveau dispositif qui offre plusieurs avantages par rapport au laryngoscope standard avec une meilleure visualisation glottique, sans nécessité de l’alignement des axes (oral, pharyngé et laryngé), avec moins de traumatisme et de retentissement hémodynamique. Dans une étude comparant l’Airtraq au laryngoscope standard, on a montré que l’Airtraq laryngoscope a permis seulement de réduire la difficulté d’intubation par rapport au laryngoscope standard.14 Cependant dans cette étude la majorité des patients n’avaient pas des critères prédictifs d’intubation difficile et un seul patient a été classé Cormack et Lehane III ou IV dans les deux groupes. L’intérêt de l’Airtraq a été démontré surtout pour les patients avec des critères prédictifs d’intubation difficile. En effet, dans une étude chez 106 patientes obèses, l’Airtraq a permis de réduire le temps d’intubation avec une meilleure stabilité hémodynamique et une meilleure saturation en oxygène par rapport au laryngoscope standard.27 Dans une autre étude incluant des patients avec des critères prédictifs d’intubation difficile, l’Airtraq a permis de réduire le temps d’intubation, le recours aux manœuvres alternatives et la difficulté d’intubation.28 Dans cette étude, il y a eu quatre échecs d’intubation avec le laryngoscope standard, qui ont été convertis en succès grâce à l’Airtraq. D’autres études ont montré l’efficacité de l’Airtraq en tant que dispositif de secours après échec du laryngoscope standard.29,30 Une méta-analyse confirme les résultats de ces études en montrant une réduction du temps de l’intubation au profit de l’Airtraq et une réduction de l’incidence du risque de l’intubation œsophagienne.31 Les autres avantages de l’Airtraq sont le meilleur apprentissage de l’intubation,32,33 la réduction du mouvement du rachis cervical34 et la diminution du risque infectieux.35

Chez nos patients, nous avons choisi comme critère de jugement principal le temps d’intubation. Comme critère de jugement secondaire, nous avons utilisé une échelle de difficulté d’intubation, qui est largement utilisée et qui a été validée pour les laryngoscopies directes. Son utilité pour l’évaluation des laryngoscopes indirects n’est pas encore établie,36 toutefois une corrélation positive est retrouvée entre l’échelle de difficulté d’intubation et un score subjectif (échelle visuelle analogique) dans la plupart des études.27,36

Dans notre étude l’Airtraq et le X-Lite ont permis de réduire le temps d’intubation par rapport au laryngoscope standard dans la chirurgie thyroïdienne. Néanmoins l’Airtraq reste plus performant par rapport au X-Lite quand à la facilité d’intubation. Cet avantage de l’Airtraq a été reconnu dans plusieurs études, avec moins de recours aux manœuvres alternatives.14,27,28 Dans notre série, l’Airtraq a permis une meilleure stabilité hémodynamique que le X-Lite et le laryngoscope standard. Les faibles niveaux de pression appliqués sur la langue et la mandibule37 et surtout l’absence de nécessité d’alignement des trois axes38 expliquent le retentissement hémodynamique moindre de ce dispositif. Dans notre étude, l’expérience des opérateurs pourraient expliquer en partie nos résultats, cependant cet effet parait faible du fait de la performance démontrée de ces laryngoscopes indirects par rapport au laryngoscope standard dans les mains des opérateurs inexpérimentés.8,39

L’impossibilité d’effectuer l’étude en double insu, l’absence de monitorage de la profondeur de l’anesthésie, l’exclusion des patients avec une ouverture de la bouche limite (distance interdentaire < 30 mm), les spécificités de la population étudiée et la taille de l’échantillon étaient les limites de notre étude. La collecte des données par un opérateur indépendant pourrait limiter l’effet de l’absence de double insu. Nous n’avons pas mesuré la profondeur de l’anesthésie, toutefois le protocole anesthésique était le même dans les trois groupes et le délai de l’action des curares était respecté. Nous avons exclus les patients avec une ouverture de bouche limite, respectant ainsi la notice d’utilisation de l’Airtraq. Les résultats peuvent difficilement être généralisés à une population de patients où l’incidence de goitre est faible, cependant nos résultats prennent tout l’intérêt chez les populations où l’incidence de goitre est élevée. L’analyse statistique est limitée dans notre étude du fait de la taille réduite de l’échantillon étudié. Des études avec un large effectif pourraient être nécessaires pour confirmer l’intérêt des laryngoscopes indirects dans la chirurgie de la thyroïde.

Malgré ces limites, il s’agit de la première étude randomisée comparant la performance de deux laryngoscopes indirects (X-Lite, Airtraq) quant à la facilité d’intubation en chirurgie programmée de la thyroïde. Nous avons démontré dans cette étude que les deux laryngoscopes indirects (X-Lite et Airtraq) permettent de réduire le temps et les difficultés d’intubation, et que seul l’Airtraq permet de réduire les effets hémodynamiques de l’intubation.