Résumé
Nous définissons la restriction cognitive comme l’ensemble des comportements alimentaires, des croyances, des interprétations et des cognitions concernant la nourriture et la façon de se nourrir, découlant d’une intention de maîtriser son poids par le contrôle mental du comportement alimentaire. Nous décrivons quatre stades de restriction cognitive: légère, modérée, sévère, décompensée, qui correspondent cliniquement à des troubles du comportement alimentaire de plus en plus graves. Les stades mineurs comme les stades majeurs sont accessibles à un traitement. Le traitement de la restriction cognitive consiste en: 1) un travail sur les croyances alimentaires: la psychophysiologie de l’alimentation et du poids sont expliquées au patient, ses croyances alimentaires dysfonctionnelles sont repérées et discutées, on détermine un contrat thérapeutique consistant à manger en fonction de ses sensations et émotions alimentaires, à accepter son poids d’équilibre, qui en résulte; 2) un travail sur les comportements alimentaires: les prises alimentaires sont réorganisées de telle sorte que l’écoute des sensations et émotions alimentaires soit possible. La désensibilisation systématique au moyen d’exercices successifs constitue l’élément décisif du traitement. Elle vise à diminuer l’anxiété de grossir, la culpabilité de consommation, les croyances dichotomiques liées à des aliments problématiques. L’accent est mis sur la dégustation en pleine conscience des aliments problématiques, c’est-à-dire ceux qui sont diabolisés et qui font le plus souvent l’objet de prises alimentaires compulsives ou de boulimies. Le traitement de la restriction cognitive est nécessaire, mais non suffisant pour traiter les troubles du comportement alimentaire et les problèmes pondéraux. Il convient aussi d’aborder les troubles émotionnels à l’origine de compulsions alimentaires ou de boulimies. Un travail d’acceptation de soi et d’affirmation de soi est aussi nécessaire lorsque le poids d’équilibre diffère de façon importante du poids idéal de la personne. Le traitement n’est pas dépourvu de chaussetrappes: l’écoute des sensations alimentaires est pervertie lorsqu’elle devient un moyen de maîtrise pondérale. Ou bien la perte de poids induit une logique de performance s’opposant à la régulation. Le traitement de la restriction cognitive permet au patient de retrouver une relation apaisée avec ses aliments et participe à la prise en charge des troubles du comportement alimentaire et des problèmes pondéraux.
Abstract
We define cognitive restraint as all eating behaviors, beliefs, interpretations and cognitions about food and how to eat, stemming from an intention to control one’s weight by mentally controlling eating behavior. We describe four levels of cognitive restraint: mild, moderate, severe and decompensated, which correspond to increasingly serious eating disorders. All levels are treatable. Cognitive restraint treatment consists of: 1) working on eating beliefs: the psychophysiology of eating and weight regulation are explained to the patient and dysfunctional beliefs about eating are identified and discussed. A behaviour contract is determined consisting of eating in accordance with eating sensations and emotions, and accepting the weight attained from eating in this way; 2) working on eating behaviors: meals and snacks are reorganized so that paying attention to eating sensations and emotions becomes possible. Systematic desensitization through successive tasks is the crucial component of treatment in order to reduce anxiety about weight, guilt about eating and dichotomous beliefs related to food. Mindful tasting, especially of demonized foods is also essential. This type of food is most often the subject of compulsive eating or bulimia. Cognitive restraint treatment is necessary, but not sufficient to treat eating disorders and weight problems. Emotional problems at the source of compulsive eating behaviours or bulimia also need to be addressed. Working on self-acceptance and self-affirmation is also necessary when the set-point differs significantly from the ideal weight. The treatment is not without pitfalls: paying attention to eating sensations becomes distorted when it becomes a way of controlling weight. Weight loss may also lead to a performance rationale, which is opposed to weight regulation. Cognitive restraint treatment allows the patient to develop a more peaceful relationship with food, and to participate in the management of eating disorders and weight problems.
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Apfeldorfer, G., Zermati, J.P. Traitement de la restriction cognitive : est-ce si simple ?. Obes 4, 91–96 (2009). https://doi.org/10.1007/s11690-009-0192-2
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DOI: https://doi.org/10.1007/s11690-009-0192-2
Mots clés
- Restriction cognitive
- Obésité
- Troubles du comportement alimentaire
- Thérapie cognitive
- Désensibilisation systématique