Introduction historique et critique à la notion de dépression en psychiatrie

Résumé

L’auteur expose l’historique de la notion de dépression dans la psychiatrie contemporaine depuis la fin du Siècle des Lumières. Durant une première période (1793–1854) règne l’opposition du délire général (manie) au délire partiel (mélancolie), sans que la question des altérations de l’humeur y joue quelque rôle. C’est avec les travaux de J. Guislain, puis de W. Griesinger, que la notion de troubles de l’humeur entre dans la pathologie mentale de façon catégorielle avec a notion de douleur morale. Dans une seconde période (1854–1926), marquée par les travaux de J.P. Falret (folie circulaire), puis de V. Magnan, de J. Séglas et de Ph. Chaslin en France, et d’E. Kraepelin en Allemagne, la construction classique de la psychose périodique maniaco-dépressive s’élabore, avec l’opposition de la manie et de la mélancolie. Dans une troisième période (1926–1977), où prédomine l’influence de la phénoménologie, de la psychanalyse et du structuralisme, peu à peu la mélancolie cesse d’occuper le centre de cette problématique, au profit de la dépression, et ce décentrement en vient à caractériser la psychiatrie actuelle.

Abstract

The author describes the history of the concept of depression in modern psychiatry from the end of the Age of Enlightenment until today in three parts. In the first period (1793–1854), the opposition of general delusion (mania) and partial delusion (melancholia) prevails, without the problem of changes of the affective state being an issue. Only with the work of J. Guislain, and later of W. Griesinger, does the concept of mood disorders become a categorical form in mental pathology with the idea of psychological pain. The second period (1854–1926) is distinguished firstly by the works of J.P. Falret on circular insanity, and then those of V. Magnan, J. Ségnan, J. Séglas et Ph. Chaslin in France and E. Kraepelin in Germany. This period is characterized by the classical construction of periodic manicdepressive psychosis and takes into account the opposition of mania and melancholia. In the third period (1926–1977), the influences of phenomenology, psychoanalysis and structuralism predominate. Gradually melancholia loses its place at the core of this field, in favour of the concept of depression and this change now characterizes contemporary psychiatry.