Abstract
Peut-on continuer d’opposer l’approche phénoménologique et métaphysique? Parmenide, fondateur de la métaphysique, s’adresse dans son texte à l’évidence de la thisness (à la caractéristique du ceci): le to gar auto. Son emploi double de la copule est, emploi existentiel et prédicationnel, a provoqué une discussion légendaire sur son actualisme et son nécessitarisme supposés, qui ont été forgés en dépit de la compréhension de ses énoncés. L’article se propose de comparer les lectures de C.Kahn, D. O’Brien, J. Barnes et J. Bollack, pour fournir une lecture non archéologique de cette conception trahie depuis Le Sophiste de Platon au moins, mais qui reste le modèle de ce que devrait être une métaphysique expérimentale.
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Notes
- 1.
On peut noter ici que Platon considère la forme sphérique de l’Être comme une géométrisation, et qu’il insiste sur la contradiction entre l’affirmation exclusive de l’être et son dégagement du non-être. Il se concentre sur le concept de l’unité qu’il oppose à l’Idée du Bien, telle qu’il la conçoit, l’Un étant au-dessus du monde des Idées (Cf. Frère 1991).
- 2.
Je renvoie ici à Moro (2010), pour ce qui relève de l’aspect purement linguistique de cette question.
- 3.
- 4.
Je cite ici d’après Etudes sur Parménide, ss la dir. de P. Aubenque, Paris, Vrin (1987, vol. 1, p. 210).
- 5.
Avec Jean Frère (1991, p. 24).
- 6.
A cette thèse s’oppose celle du vague ontique: les objets sont eux-mêmes vagues, et ne peuvent jamais correspondre à une désignation déictique (par exemple, pour ce nuage atmosphérique qui n’est jamais un ceci). L’épistémicisme est la théorie selon laquelle il n’y a pas de réalité du vague.
- 7.
Owen a semble-t-il projeté Aristote sur Parménide, mais il ne l’a pas fait comme J. Barnes sur la dimension expressément discursive du legein, ce qui change tout. Le fragment 2 énonce les deux chemins à suivre : le premier—celui qu’indique la Déesse est : « que « est » et qu’il n’est pas possible qu’il ne soit pas », le second —celui qu’elle proscrit—« que « est » n’est pas, et qu’il est nécessaire de ne pas être ». Il prête évidemment à confusion, et aucune traduction ne le rend convenablement. Owen a tendance à considérer qu’il y a une disjonction modale entre « il n’est pas possible de ne pas exister », et « il est nécessaire de ne pas exister », qui ne sont pas de vraies contradictoires pour Aristote. L’énoncé de Parménide deviendrait assertorique, en excluant « ce dont on ne peut parler, ce à quoi l’on ne peut penser ». Mais il ne dit pas non plus que « la vérité est nécessaire » et qu’il y a un être de la vérité nécessaire, puisqu’on ne pourrait pas l’entendre dans un sens copulatif (= l’être « est » nécessairement vrai), ce qui serait trop lui faire proclamer au sens hégélien. Il faut d’ailleurs ici rappeler qu’un siècle après Parménide, Aristote a donné, au chapitre IX dans le De Interpretatione quelques lignes décisives: « Que ce qui est, lorsqu’il est, soit, et que ce qui n’est pas, lorsqu’il n’est pas, n’est pas, voilà qui est nécessaire. Il n’est pourtant pas nécessaire que tout ce qui est soit, ni que tout ce qui n’est pas, ne soit pas. Ce n’est en effet pas la même chose d’affirmer que tout être est nécessairement lorsqu’il est, et d’affirmer, de façon absolue, qu’il est nécessairement. Il en va de même pour le non-être » (19a, p. 23–27). Aristote aurait donc récusé la nécessité de re. Dans sa haute antériorité, Parmenide n’a pas disjoint les deux sens de « dire nécessairement » et « être nécessairement », ou comme on dit aussi nécessité absolue et nécessité relative. Mais l’emploi de khreôn: il est utile, il convient, il faut (fragment 2, vers 5), laisse la porte ouverte à toutes les gloses (Cf. Denis O’Brien, op. cit.).
- 8.
A la suite de Meinong, qui distingue le Sosein et le Sein, et après la discussion entre Meinong et Russell, sur le genre d’entités que la logique pouvait revendiquer (et non plus exorciser), une école de pensée dissidente a pu se développer (contre Quine) dans la veine de Richard Routley (1936–1996); elle procède à la réhabilitation de Meinong, en prenant la défense du Nonéisme, qui avait d’ailleurs été déjà exploré par les sophismes de Buridan.
References
Aquin T (1999) Somme contre les Gentils (trans: Michon C). GF Flammarion, Paris
Barnes J (1997) Les penseurs préplatoniciens. In: Canto-Sperber M (ed) Philosophie grecque. Presses Universitaires de France, Paris
Barnes J (1982/1993) The presocratic philosophers. Routledge, London
Beaufret J (1955/1984) Parménide: Le poème. PUF, Paris
Bollack J (2006) Parmenide, de l’étant au monde. Editions Verdier, Paris
Frère J (1991) Platon lecteur de Parménide dans le Sophiste. In: Aubenque P (ed) Etudes sur le Sophiste de Platon. Bibliopolis, Rome, pp 125–143
Kahn CH (1973) The verb « be » in ancient greek. Kluwer, Dordrecht
Moro A (2010) Breve storia del verbo essere. Adelphi, Milan
Owen GEL (1960) Eleatic questions. Class Q 10:84–102
Priest G (2005) Towards non-being. Clarendon Press, Oxford
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Monnoyer, JM. (2014). Le dogme de la vérité selon Parménide. In: Reboul, A. (eds) Mind, Values, and Metaphysics. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-04199-5_30
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