Abstract
Dans les romans La Fin des temps (1985) d’Haruki Murakami et La Cité des permutants (1994) de Greg Egan, il faut lire la jonction de l’homme à la machine numérique comme une figuration exemplaire des bouleversements anthropologiques que les nouvelles technologies, intégrées à la diégèse, engagent dans les représentations littéraires de l’humain. En effet, posée dans un cadre scientifique et donc rationnel, qui écarte d’emblée tout principe explicatif merveilleux ou fantastique, une telle jonction implique un repositionnement de l’être humain au regard de la duplicité, désormais pensée entre deux mondes distincts – la sphère matérielle et la sphère virtuelle –, et au regard de l’éternité, qui se construit comme un possible selon le rapport particulier du virtuel à la matière. Ultimement, cette jonction de l’homme à la machine doit donc s’interpréter comme le dessin par le récit des nouvelles technologies d’une redéfinition des horizons de l’humanité, qui la fait accéder à un au-delà d’elle-même.
Notes
Dans l’un de ses articles, Farnell (2000) exprime une idée semblable, en la rapportant uniquement à La Cité des permutants.
Pour la clarté de l’exposé, nous maintiendrons cependant la distinction terminologique entre monde réel et monde virtuel ou numérique.
Concernant le cyberpunk, il faut d’abord se référer à l’anthologie fondatrice, Mirrorshades : the Cyberpunk Anthology (Mozart en verres miroirs, 1986), éditée sous la direction de l’auteur nord-américain Bruce Sterling, qui est lui-même rattaché au mouvement. Pour la traduction française, voir Mozart en verres miroirs (2001). Par contre, même si plusieurs études font référence au cyberpunk, il est très rare qu’elles s’attachent à le caractériser dans tous ses aspects et enjeux. Pour une ébauche de théorisation, voir McHale (1992).
Références
Bessière, J. (2006). Qu’est-il arrivé aux écrivains français ? D’Alain Robbe-Grillet à Jonathan Littell. Loverval: Labor.
Bessière, J. (2010). Le roman contemporain ou la problématicité du monde. Paris: Presses Universitaires de France.
Bessière, J., Fonyi, A., & Troubetzkoy, W. (Eds.). (1995). Le double: Chamisso, Dostoïevski, Maupassant, Nabokov. Paris: Honoré Champion.
Egan, G. (1996). La cité des permutants (trad. de l’anglais : Sigaux, B.). Paris: Robert Laffont.
Farnell, R. (2000). Attempting immortality: AI, A-life, and the posthuman in Greg Egan’s Permutation City. Science Fiction Studies, 27(1), 69–91.
Fusillo, M. (1998). L’altro e lo stesso: teoria e storia del doppio. Florence: La Nuova Italia.
McHale, B. (1992). Elements of a poetics of cyberpunk. Critique : Studies in Contemporary Fiction, 33(3), 149–175.
Murakami, H. (1992). La fin des temps (trad. du japonais : Atlan, C.). Paris: Seuil.
Rank, O. (2001). Don Juan et le double (trad. de l’allemand : Lautman, S.). Paris: Payot & Rivages.
Sterling, B. (Ed.). (2001). Mozart en verres miroirs (trad. de l’américain : Albaret-Maatsch, M.). Paris: Gallimard.
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Dehoux, A. La jonction de l’homme à la machine numérique. De nouveaux paradigmes pour l’humain. Neohelicon 39, 295–304 (2012). https://doi.org/10.1007/s11059-012-0147-8
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